Lorsqu’il est question de l’usage des antibiotiques dans la production animale, il est difficile de faire la part des choses tellement chaque acteur y va de sa rhétorique. Alors que certains soutiennent que son utilisation met en péril la santé mondiale, d’autres prétendent que ce n’est qu’une combine pour faire monter les prix. Un vrai bras de fer est engagé. Qui dit vrai ?
À titre d’exemple, dans son dernier avis adressé à ses actionnaires le 12 janvier 2017, Sanderson Farms Inc., a publié une proposition d’un groupe d’actionnaires en vue de son assemblée annuelle du 9 février. Elle demandait que Sanderson adopte une politique globale menant à la cessation de l’utilisation des antibiotiques, dits médicalement importants, dans ses élevages que ce soit pour la prévention des maladies ou la croissance de ses poulets.
Sanserson, le troisième producteur de poulets aux États-Unis derrière Tyson Foods Inc. et Pilgrim’s Pride Inc., a bien entendu affirmé qu’elle était contre cette proposition et pour l’usage responsable des antibiotiques.
En faisant référence à des études de l’Organisation mondiale de la santé et du U.S. Centers for Disease Control and Prevention (CDC), ce groupe d’actionnaires affirmait que la résistance aux antibiotiques est si répandue qu’elle menace la santé mondiale et de nombreuses avancés médicales de dernier siècle. Selon eux, cette résistance aux antibiotiques chez les humains découle en partie de leur utilisation intensive dans les élevages animaliers.
Mike Cockrell, chef de la direction financière de Sanderson, soutient que les récents efforts des concurrents dans la réduction de l’usage des antibiotiques ne sont qu’une magouille marketing afin de vendre leurs produits plus chers.
Lampkin Butts, son président et chef des opérations, va plus loin en disant qu’il n’y a pas d’évidence scientifique indiquant que l’usage des antibiotiques dans l’élevage des animaux cause une résistance antibiotique chez les humains. De plus, il affirme que si la compagnie cessait l’usage d’antibiotiques, il y aurait plus de mortalité parmi ses élevages et que de plus grands bâtiments seraient requis pour laisser plus d’espaces entre les poulets afin de réduire les risques de contagion. Il en résulterait une consommation plus grande de maïs, de soya, d’eau et d’électricité ce qui irait à l’encontre de la conscience environnementale d’utiliser le moins de ressources possible.
Même si cette proposition n’a pas obtenu le support d’une majorité d’actionnaires pour être retenue par Sanderson lors de son assemblé du 9 février dernier, elle a forcé la compagnie à expliquer ses politiques d’utilisation d’antibiotiques avec un niveau de détail qui n’avait pas été révélé encore jusqu’ici. Sanderson affirme qu’elle n’utilise pas d’antibiotiques à des fins de stimulation de la croissance et que ceux qu’elle administre le sont sous la supervision de vétérinaires. La Food and Drug Administration (FDA) exige depuis 2016 que tous les éleveurs animaliers voulant administrer un antibiotique à leurs animaux le fassent suivant la prescription d’un vétérinaire.
À l’opposé de Sanderson, Perdue Farms Inc., quatrième producteur de poulets aux États-Unis, a choisi d’éliminer les antibiotiques de toute sa production. Dans les rares cas où elle doit en administrer, les oiseaux traités sont retirés des canaux de ventes usuelles et sont vendus pour la production de nourriture pour les animaux par exemple. Son président, Jim Perdue, a affirmé que pour arriver à produire du poulet sans antibiotiques, ils ont dû changer leurs façons de faire. Les économies résultant de l’élimination des antibiotiques ont permis de financer ces nouvelles méthodes de production tout en répondant mieux aux demandes des consommateurs et à la santé humaine. Un des facteurs de succès dans ce processus est l’instauration d’outils de contrôle des environnements d’élevage des poulets.
En ayant des données en temps réel, les animaux malades peuvent être retirés d’un élevage rapidement afin d’éviter la contamination.