Ouais ! Il semble qu’il soit plus facile de séparer la crème du lait que de résoudre la controverse entourant le palmite qui entre dans l’alimentation des vaches laitières.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis l’explosion du Buttergate, on entend tout et son contraire. À écouter les experts se chamailler, on croirait tantôt qu’on déverse des chaudières d’huile de palme directement dans le lait, tantôt qu’on en verse dans le fourrage. Sur le terrain, certains répètent que le palmite est le résidu végétal naturel de la plante qui sert strictement de source énergétique en début de lactation. D’autres parlent carrément de dopage.
À en croire certains consommateurs, depuis quelques mois, le beurre ne ramollirait plus à la température de la pièce. Cela étonne tout de même un peu. D’une part, tant les agronomes que les producteurs de lait admettent que cela fait plus de 15 ans que le palmite est utilisé pour les vaches. D’autre part, à raison de 150 g sur une ration de 50 kg, ça ne représenterait même pas 1 % de l’alimentation des ruminantes pendant une période très limitée dans le temps.
De plus, seulement 22 % des producteurs québécois y auraient recours. Et comme la gestion de l’offre fait en sorte qu’en bout de course, tout le lait se retrouve mélangé dans un même et grand tout, comment imputer au palmite les différences de texture, de goût ou des caractéristiques du lait transformé ? Sans compter que tout ça est avancé avec pas d’études, pour copier le groupe de folk montréalais.
Par ailleurs, comment ne pas comprendre les agriculteurs qui n’utilisent pas le sous-produit et qui s’indignent ? Alors qu’ils font des pieds et des mains pour offrir une denrée d’une grande qualité et dont la réputation est reconnue mondialement, cette pratique utilisée « en cachette » pourrait bien ternir la réputation de l’industrie. Pour le consommateur de plus en plus sensible aux questions écologiques et éthiques, l’huile de palme évoque la déforestation et la menace de disparition de nombreuses espèces animales. À l’âge des réseaux sociaux et de l’émotivité débordante, même si on ne trouve pas de poils d’orang-outan dans notre lait ou nos fromages, il n’en faut pas tant pour obtenir mauvaise presse.
Le jeu en vaut-il le gras en surplus ? Au lieu d’importer des protéines laitières et de recourir aux rations de grains qui créent un déficit de gras, la quantité et la qualité des fourrages de chez nous contiennent déjà en soi l’apport d’acide palmitique nécessaire à nos vaches.
Tout ça me rappelle un peu la controverse des années 1980 sur la couleur de la margarine. À l’époque, si j’avais travaillé pour l’industrie de la margarine, j’aurais proposé un slogan coup de poing : La margarine, ça beurre mieux ! Jacques Proulx ne m’aurait pas aimé. Qui sait si un jour, des transformateurs ne baratteront pas leur beurre en modifiant simplement le slogan « Sans palmite, ça beurre mieux ! »
-Chronique de Pierre – Avril 2021