Le financier écolo
Année après année, l’étalement urbain se répand comme des ronds de fumée goudronnée autour du Grand Montréal. Le tout, au détriment des meilleures terres agricoles du Québec. Alors qu’un grand nombre de villes de banlieue ajoutent autoroutes, stations de métro ou terrains à développer à leur liste d’épicerie, Les Fermes Lufa peuvent se vanter de faire pousser tomates, concombres, poivrons, laitues et autres verdures sans s’accaparer ne serait-ce qu’un centimètre carré du plancher des vaches.
Après la création, en 2010, de la première serre commerciale au monde à avoir pignon sur toit, dans quelques semaines à peine, l’entreprise fondée par Mohamed Hage terminera la construction de sa quatrième serre sur toit dans la région de Montréal. Vaste comme trois terrains de football, elle servira à cultiver des aubergines et dix variétés uniques de tomates.
Jean-Michel Vanier ne boude pas son plaisir de voir s’achever ce joyau vitré. Avec ses 15 218 m2, la serre de ville Saint-Laurent devient la plus grande au monde et dépasse la superficie combinée des trois autres serres d’Ahuntsic, Laval et Anjou. Le directeur des finances des Fermes Lufa est très fier que l’entreprise pour laquelle il cultive ses talents depuis huit ans puisse offrir plus de 10 000 paniers d’épiceries par semaine à autant de familles.
À 37 ans, Jean-Michel s’assure que la compagnie a les moyens de ses ambitions. Il s’occupe des relations avec les prêteurs, des actionnaires, de la saine gestion de l’entreprise, des projets d’expansion et, bien sûr, d’élaborer le plan de match qui permet de financer tout ça.
Il faut dire qu’avant de sauter dans l’aventure de l’agriculture urbaine, le comptable agréé avait déjà la fibre entrepreneuriale. Vérificateur externe chez Earnst & Young, chez Transcontinental, puis chez Lavalin, sa feuille… de route a fini par le conduire dans le terreau fertile de cette industrie qui va de la graine à l’assiette. Pourquoi donc s’est-il intéressé aux Fermes Lufa ? «Je souhaitais travailler dans une firme révolutionnaire et très innovatrice. Je la voulais à taille humaine pour me permettre d’avoir plus d’impact sur ses activités.»
En 2013, en mettant sur pied le site Web transactionnel, l’entreprise a permis à ses clients de faire un choix parmi 2 000 produits qu’ils peuvent dès lors commander à leur guise. Fini le temps où les consommateurs n’avaient pas le choix du contenu de leur panier. Ce site transactionnel n’a été rien de moins qu’un fertilisant surpuissant qui a fait bondir la croissance de l’entreprise.
«Aujourd’hui, explique Jean-Michel Vanier, les abonnés au service des Fermes Lufa peuvent faire leur épicerie en ligne à partir de produits fermiers de nos serres et de nos 250 partenaires locaux. Ça va des produits laitiers, à la viande, en passant par nos légumes et la boulangerie. Nous avons des produits certifiés sans pesticide de synthèse et des viandes sans hormones et sans antibiotiques.» L’entreprise compte désormais 300 employés, 500 points de chute à Montréal et dans les environs. Elle offre aussi un service de voitures électriques pour la livraison à domicile.
En plus de se concentrer sur les produits locaux dont la traçabilité est accessible à tous, Lufa a mis l’accent sur l’efficacité énergétique. Le fait d’être juchés sur les toits permet une économie de chauffage de 30% pour les entreprises qui les hébergent et de 50% pour les serres. Le double vitrage, les rideaux thermiques et la réutilisation des eaux de pluie permettent aussi de diminuer sensiblement l’empreinte écologique de la nouvelle serre. Quant aux résidus, ils seront compostés sur place.
D’autres projets sont en train de germer. Jean-Michel Vanier a très à cœur le succès futur de ces serres qui permettent déjà d’alimenter 2% de la population de la métropole.
On peut dire qu’il n’a pas fait chou blanc!