Marie-Élise Samson

1 novembre 2023 | Personnalité du mois

Le goût de la terre nourricière

C’est simple. Durant sa jeunesse, Marie-Élise Samson était littéralement passionnée d’équitation. La jeune fille originaire de Saint-Nicolas passait tous ses étés à un centre équestre. Le reste de l’année, ne lui demandez pas ce qu’elle faisait de ses fins de semaine. Elle galopait. À 19 ans, partie travailler en Australie sur une exploitation bovine, elle est rattrapée par les effluves d’écuries et trouve le tour d’y entraîner des chevaux de polo. Sans s’en rendre vraiment compte, Marie-Élise chevauchait déjà son avenir. Bien en selle sur ses montures qui sont aussi de magnifiques usines à engrais, elle se préoccupera bientôt de la qualité des sols.

Inscrite en agronomie à l’Université Laval, c’est en suivant le cours Genèse et classification des sols qu’elle aura le coup de foudre. Fascinée de découvrir sous ses pieds toutes les interactions des processus à la fois chimiques, biologiques et physiques, Marie-Élise s’investira dans le domaine et décrochera la très prestigieuse bourse d’études supérieures du Canada Vanier pour ses travaux de recherche sur le cycle de la matière organique dans les sols agricoles. Après tout, 95 % de ce qu’on mange en provient.

«Quand on produit des aliments, les éléments qui vont dans la plante ne retournent pas au sol. Si on ne fait qu’extraire année après année, le système s’épuise.»

Aujourd’hui, celle qui donne le cours qui l’a fait tomber en amour avec le terreau est préoccupée par le sort que l’on a réservé à cette richesse inestimable. Au cours des dernières décennies, l’agriculture intensive et la machinerie de plus en plus lourde ont gravement altéré les sols. Si bien que sur la planète, 30 % des terres arables sont mal en point et on constate un déclin de productivité sur 20 %. Et quand on sait que ça prend entre 100 et 1000 ans pour recouvrer un seul centimètre de sol…

« À force de cultiver, si on ne se préoccupe pas de redonner de la vie aux sols, ils s’appauvrissent. Nos modes de production en monoculture intensive ainsi que la révolution verte ont fait en sorte que 25 % des surfaces cultivées au Québec ont moins de 4 % de matière organique, un seuil inquiétant. Ce n’est pas une ressource renouvelable. Quand on produit des aliments, les éléments qui vont dans la plante ne retournent pas au sol. Si on ne fait qu’extraire année après année, le système s’épuise. »

La jeune chercheuse de 34 ans ne désespère pas pour autant. Elle ne blâme pas non plus les agriculteurs en compétition avec des denrées qui viennent d’un peu partout. Elle sait bien que la rentabilité est au cœur de leurs préoccupations et que changer de pratiques quand on a toujours fait les choses d’une certaine façon comporte des risques.

Pour assurer la durabilité et la résilience de nos systèmes agroalimentaires, Marie-Élise Samson estime que les changements doivent impliquer plusieurs acteurs. Si elle reconnait qu’il y a encore trop peu d’étudiants en agronomie qui choisissent de se spécialiser en gestion des sols, elle déplore l’absence d’internalisation des coûts sociaux et environnementaux à la production. Elle prédit même que les pays qui feront attention à cette ressource précieuse vont bénéficier d’un gros avantage face aux sécheresses et aux inondations à venir.

Ce n’est pas pour rien qu’elle continue inlassablement à remuer ciel et terre pour percer les mystères de la biogéochimie. En jonglant avec la composition granulométrique, la structure, les agrégats, les macropores, l’échange des gaz, l’infiltration et la rétention de l’eau et les stocks de biodiversité, Marie-Élise entend trouver des pratiques culturales qui permettront de maximiser la quantité de carbone séquestré dans le sol. En deux mots, un sol gorgé de CO2 est un garde-manger en santé. Il en va du ventre de l’humanité.

Découvrez aussi..
Ronan Corcuff

Ronan Corcuff

L’art de faire ses choux gras Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’humanité rêve de transformer des matières premières pour les enrichir, soigner les maladies et prolonger la vie. Il y a plus de 2 000 ans, des alchimistes chinois prétendaient déjà savoir convertir le...

Jennifer Côté

Jennifer Côté

À la conquête de l’autre Voie lactée On ne nait pas pionnier, on le devient ! Jennifer Côté en sait quelque chose. Élevée en banlieue de Montréal au sein d’une famille où la viande trônait sur la table, elle parachevait des études en psychologie lorsqu’elle a eu la...

Claude Vallée

Claude Vallée

L’homme qui respire la chlorophylle L’année où les Beatles endisquaient Lucy in the Sky with Diamonds aux studios d’Abbey Road, Claude Vallée, lui, avait une révélation à Boucherville. Installé à la fenêtre de salon du modeste 4 ½ de ses parents, le p’tit gars de...

Patrick Mundler

Patrick Mundler

Les recettes de la ruralité Au Québec, durant la crise de la COVID, combien de fois n’avons-nous pas entendu dire que nos approvisionnements alimentaires étaient menacés ? Dans les faits, certains ont peut-être manqué de papier de toilette, mais personne n’a connu la...

Dernières publications

Loading
Visiter notre boutique
Suivez-nous

Facebook

Twitter

Instagram

Linkedin

Youtube

Contactez-nous
Kit média

Consultez notre Kit Média pour retrouver toutes les informations relatives à notre audience et nos offres de placement publicitaire.

PUBLICITÉ
Prochain événement
Soutenez le projet Élevage et Cultures en faisant un don

Si t'es dans l'champ, abonne-toi à notre infolettre!

Vous êtes bien inscrit(e)!

Pin It on Pinterest

Share This