Ronan Corcuff, l'art de faire ses choux gras

Ronan Corcuff, l'art de faire ses choux gras

L’art de faire ses choux gras

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’humanité rêve de transformer des matières premières pour les enrichir, soigner les maladies et prolonger la vie. Il y a plus de 2 000 ans, des alchimistes chinois prétendaient déjà savoir convertir le plomb en or. Il faudra pourtant attendre au 18e siècle avant que tous ces «magiciens » ne soient transmutés en charlatans. Heureusement, de nos jours, de véritables savants ont remplacé les fumistes.

À titre d’exemple, l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) fondé à l’Université Laval au début du millénaire constitue le plus important regroupement de chercheurs au Canada. Ils sont près de 775 scientifiques dédiés à la recherche, à l’innovation et à la valorisation de bioressources dans le domaine des aliments durables et de l’amélioration de la santé.

Ronan Corcuff occupe depuis 2017 le poste de coordonnateur des activités du service de soutien à l’innovation. Avec six autres personnes de l’Université Laval, il orchestre les avancées en matière de procédés, de réglementation et d’impacts sur la qualité nutritionnelle dans l’industrie de la transformation alimentaire. Son département s’assure de maximiser les retombées des connaissances qui émanent des travaux de recherche de plus de 130 scientifiques provenant de 15 universités et organisations de recherche affiliées. Il lui incombe aussi de transférer aux partenaires de l’INAF ces nouveaux savoirs et de leur recommander les  solutions les plus adéquates aux problématiques qu’ils ont soulevées.

Ces partenaires sont tantôt des transformateurs alimentaires privés, des agrotransformateurs qui souhaitent que l’INAF les aide à développer des produits distinctifs et à tirer le meilleur parti des propriétés et des qualités de leurs matières premières. L’Institut travaille également beaucoup avec une clientèle en démarrage. Pensons, par exemple, à des incubateurs alimentaires comme Mycélium, au camp d’entraînement agricole de la Capitale-Nationale où l’on forme des gens à la production agricole et à la recherche en production maraichère biologique. En tout et partout, chaque année, Ronan et ses collègues jonglent avec une quarantaine de projets.

Il y a 30 ans, fort de ses études en agronomie réalisées en France, Ronan a eu l’opportunité de venir faire un stage à l’Université Laval. C’est à Québec qu’il a choisi d’entreprendre une maîtrise en sciences et technologie des aliments.

En plus de développer des connaissances et des compétences au niveau de leur transformation, il a pris en charge les laboratoires de recherche sur la thématique de la conservation des fruits et légumes frais. L’objectif ? En améliorer la qualité sur le long terme et en valoriser la composition. Idem lorsqu’il s’est attaqué à la composition en acides gras et les propriétés qui distinguent les huiles végétales.

« Nous travaillons même sur le goût des denrées. On voit beaucoup ça dans la filière des petits fruits. Nous avons un chercheur qui développe des outils et des méthodes pour caractériser les aspects sensoriels. Cela nous permet d’identifier les défauts d’un produit et de les corriger pour satisfaire les préférences des consommateurs. »

En matière d’alimentation durable, l’INAF se préoccupe aussi de la problématique du transport et de l’autonomie alimentaire. « Une de nos priorités explique Ronan Corcuff, c’est la valorisation des ressources agricoles du Québec. Il s’agit d’un grand défi, car notre territoire ne permet pas d’avoir toutes les ressources suffisantes pour faire de la production diversifiée et à grande échelle. »

S’ajoute à tout cela la question du gaspillage et de la transmission de bonnes pratiques destinées au grand public. Même la fraude alimentaire est traitée par des chercheurs de l’INAF.

Avec tant de marrons au feu, on comprend qu’il est primordial de former du personnel hautement qualifié. On ne s’étonnera donc pas d’apprendre que Ronan a longtemps supervisé des étudiants du niveau de la maîtrise et du doctorat. Pour mener à bien une telle entreprise, une chose est sûre. Pas plus qu’il n’a de chapeau rond, ce Breton d’origine n’a jamais eu l’habitude de tourner les coins ronds !

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