
L’agroéconome et son Pot au lait
Je vous le demande. Au moment où les fermiers ruminent toujours les trois plus récents accords commerciaux qui les détroussent de 800 millions de litres de lait par an et alors qu’ils sont loin d’avoir digéré les impacts de la COVID-19, aurait-il pu y avoir pire moment pour accepter de prendre la direction générale des Producteurs de lait du Québec? On pourrait le craindre, mais ce serait sans compter toute l’expérience que Geneviève Rainville porte en bandoulière.
Née sur une ferme laitière de parents qui ont baigné une bonne partie de leur vie dans le nectar de pis, on a bien le droit de croire qu’à l’instar d’Obélix, Geneviève est tombée dans le bidon magique quand elle était petite ou alors que l’hérédité lui a transmis ça dans le sang. Amenez-en du boulot! Ce n’est pas au-dessus de ses forces.
En 2003, ses études en agroéconomie à peine achevées à l’Université Laval, la jeune bachelière se lance à titre de conseillère en gestion agricole à Lévis où elle côtoie tout de suite les producteurs de lait. En à peine cinq ans, elle devient directrice de la recherche économique de l’organisation. Au service du conseil d’administration et de la haute direction, Geneviève évalue les changements et les impacts de nouvelles politiques que l’organisation pourrait vouloir se donner. Elle s’occupe des comités nationaux pour les ententes avec les partenaires et est impliquée dans toute la politique laitière nationale. On la trouve dans les négociations concernant, entre autres, les conventions de transport, les conditions de mise en marché et la nouvelle stratégie sur les ingrédients laitiers. Aussi bien dire que dans le milieu, elle se sent comme un poisson dans l’eau.
À 40 ans, elle a perdu ses dents de lait et est fort bien armée pour représenter les producteurs des 4 877 fermes qui livrent quelque 3,33 milliards de litres de lait et donnent 83 000 emplois directs, indirects et induits. Mine de rien, cette industrie contribue au PIB à hauteur de 6,2 milliards de dollars.
« Ma priorité à court terme, c’est de m’attaquer aux impacts des accords de l’ACEUM, de l’AECG et du PTPGP. Les gouvernements se sont engagés à nous dédommager, mais nous devons nous assurer qu’ils s’exécutent parce que les impacts sur nos producteurs sont considérables. Avec les importations de lait diafiltré, il est important de trouver une classe d’ingrédients qui soit compétitifs et que nos transformateurs puissent valoriser nos solides non gras et en exporter les surplus. Nous devons valoriser nos belles réussites en matière de développement durable et bien positionner nos produits. Cela est d’autant plus important que c’est au cœur des préoccupations des consommateurs. »
La nouvelle directrice générale rappelle qu’au Québec, le développement durable des fermes laitières et le bien-être animal représentent des d’investissements de plus de 500 millions de dollars par année. Elle déplore l’accroissement des importations qui a un impact important sur les investissements. C’est sans compter que les normes environnementales du Québec sont plus sévères qu’ailleurs au pays.
Vous en conviendrez, ce n’est pas une bagatelle que d’assurer le développement durable des fermes laitières. Qu’à cela ne tienne, la nouvelle directrice générale est habituée à se retrousser les manches. «J’ai grandi sur la ferme familiale de Dunham. Je peux vous dire que sur cette terre-là, j’en ai ramassé de la roche! »
Pour bien faire son travail, elle a justement l’intention de retourner tous les cailloux. Et ne comptez pas sur elle pour trébucher dessus comme Perrette avec son pot au lait.