Le maraîcher Hi-Tech
Au printemps dernier, en bordure du chemin Bélanger de Mirabel, un homme a entrepris de transformer 17 arpents de neige en six hectares de serres ultras modernes. En à peine le temps d’une grossesse, sur l’équivalent de 285 terrains de tennis, Stéphane Roy a donné vie à un projet très ambitieux : y faire pousser annuellement 4 800 tonnes de tomates biologiques. Un tour de force dont le jeune quinquagénaire n’est pas peu fier. En portant sa superficie de production à 32 hectares, le président de Sagami/Savoura/Savoura BIO devient un leader nord-américain dans le domaine.
Avant de se lancer dans l’aventure, Stéphane Roy avait déjà joué dans la terre, c’est vrai, mais à titre d’entrepreneur général en excavation. Avec 32 gars sous ses ordres, il exécutait des contrats « de villes », de parcs et de neige. Jusqu’au jour où il a décidé de troquer la pépine pour la pépinière. Il a alors acheté des serres à Sainte-Sophie, près de Saint-Jérôme, s’est rendu en Hollande pour s’initier à la culture du fruit charnu, puis à son retour, a engagé de bons consultants pour fonder Les Serres Sagami. C’était en 1995.
Depuis lors, le fruit de son labeur n’a cessé de pousser comme tomates au soleil. Plus de 350 personnes travaillent aujourd’hui sur neuf sites de production dans les Laurentides, en Montérégie,
au Saguenay, en Mauricie, dans Charlevoix, en Estrie, à Québec et en Gaspésie. Et c’est sa conjointe Caroline Dalpé qui, à titre de directrice générale, orchestre l’ensemble des opérations
de ces jardins vitrés.
«Tout le complexe est bio. Nous n’utilisons aucun pesticide chimique sur nos 180 000 plants de tomates. Que des insectes prédateurs comme des nématodes. Toute l’eau qui circule en circuit fermé dans les bacs est récupérée et réintroduite dans le système. Toutes les trois semaines, on utilise du compost, du fumier de poule déshydraté, de la farine de plume, de crevettes et de crabe pour amender nos sols. Nos plants sont traités aux petits oignons !»
Debout avant l’aube, Stéphane Roy ne se couche jamais avant minuit. Après tout, son nouveau complexe de Mirabel n’a rien d’un jardin communautaire. À la barre de cette méga serre qui se veut un modèle d’agriculture durable et responsable, le bourreau de travail veille à tout. De la vis qui dépasse d’une nouvelle cloison de salle de bains, à la petite fuite de fumée sur la cheminée de la gigantesque salle des chaudières, rien ne lui échappe. Il sait si une des 6000 lampes de 1000W fait défaut, vérifie l’œil magique de la nouvelle salle de classement et inspecte ses impressionnantes chaudières flambant neuves Made in France qui ingurgitent des tonnes de biomasses résiduelles. Il ramasse sans y penser le moindre bout de ficelle, voire la feuille tombée d’un plant. C’est clair, il veut que ça marche rondement.
Le stress est grand, mais ça n’empêche pas le maraîcher Hi-Tech de rigoler lorsqu’il raconte avoir vidé la réserve de vers de terre de son producteur.
C’est vrai qu’à coups de dizaines de kilos de lombrics, ça vous siphonne un stock vite fait !