Les marchands d’ail bio
Vous souvenez-vous de ce que vous faisiez le 20 octobre dernier ? Marie-Pierre Dubeau et Sébastien Grandmont, eux, n’ont pas oublié. Ce vendredi-là, le jeune couple de Martinville avait troqué les champs d’ail biologique de leur entreprise estrienne Le petit mas pour le tapis feutré du Salon rouge de l’Assemblée nationale. En raison de la qualité de leur gestion et de l’originalité de leur vision entrepreneuriale, Marie-Pierre et Sébastien se sont vu décerner le Prix de la relève agricole 2017 des mains du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, M. Laurent Lessard. Le tout était assorti d’une bourse de 5 000$.
Respectivement détenteur d’un doctorat en microbiologie et d’une maîtrise en immunologie, Marie-Pierre et Sébastien ne s’attendaient pas une seconde à se retrouver un jour à cultiver cette plante originaire d’Asie centrale utilisée depuis 5 000 ans ! D’autant moins qu’aucun des deux n’avait jamais vécu sur une ferme, ni même chevauché un tracteur.
Quand on «fait de l’ail», il n’y a ni mise en marché commune, ni fédération, ni quotas, ni regroupement qui pourraient rendre les choses plus faciles. À défaut d’avoir une connaissance du marché de détail, des marges que l’on peut espérer obtenir, de la marchandisation au niveau des acheteurs et de tout le reste, Marie-Pierre Dubeau a profité de l’expérience de Christiane Massé, la femme de son père qui cultivait ces bulbes depuis 25 ans.
Après s’être initié à ce marché pendant trois bonnes années auprès de Christiane, le couple a volé de ses propres ailes. Les semeurs d’ail ont si bien su faire les choses qu’ils sont les premiers à avoir une boutique en ligne. Et comme l’ail est un produit fin et robuste, ils ont trouvé le tour de livrer leurs bulbes par la poste.
«Quand on a commencé, nous avions quatre acres en culture et l’équivalent en engrais verts. Nous sommes rendus à 28 acres. Nous avons exploité au maximum de sa capacité les terres que nous avions avant d’en acheter d’autres. Nous avons dû déménager l’entreprise. Le bâtiment était devenu trop petit. On a trouvé un endroit à Martinville avec 105 acres dont la moitié est cultivée.»
Outre le million de bulbes qu’ils font pousser, Marie-Pierre et Sébastien récoltent 20 tonnes de fleurs d’ail qu’ils font fermenter dans de l’huile. C’est d’ailleurs Christiane, l’ancienne propriétaire qui, par pur hasard, avait obtenu ce produit transformé en oubliant quelques mois sa fleur d’ail qui macérait dans le frigo. Cette distraction sert aujourd’hui très bien nos entrepreneurs. Le produit «inventé» sert d’assaisonnement. Il serait même plus polyvalent que l’ail puisqu’il ne laisse pas dans la bouche cette haleine qui traumatise tant d’amoureux. On l’utilise dans les pommes de terre pilées, les sandwiches et le riz. On peut en faire des trempettes, des marinades et quoi encore. Pas étonnant que le produit se retrouve désormais sur les tablettes d’IGA et de Métro et dans plus de 500 points de vente.
Bien sûr, les choses ne se font pas sans effort. Marie-Pierre Dubeau et Sébastien Grandmont doivent compléter leurs installations, entretenir leur machinerie, sans oublier cette grange qui manque d’amour. Pour l’ensemble de leurs opérations, ils se sont dotés d’un plan global d’investissement d’un million de dollars. Une rondelette somme qui n’est pas sans leur procurer quelques petits frissons, mais puisque ail rime avec travail, ils sont confiants pour l’avenir.