Un écolo dans la fosse
Le 18 octobre dernier, Jean-François Ménard s’est vu remettre la Médaille de distinction agronomique 2018. Il semble bien avoir été le seul surpris de recevoir cet honneur. Pourtant, il ne l’a pas volé. Depuis dix ans, l’agronome-conseil détenteur d’une maîtrise en environnement s’acharne à combattre l’empreinte climatique qui résulte des activités agricoles.
Déjà en 2007, le passionné d’environnement offrait des services-conseils dans le domaine des changements climatiques. Puis en 2009, il saute bravement dans la fosse aux… porcs. Après avoir conçu un système de toiles de recouvrement de fosses à lisier, Jean-François Ménard fonde Agritop. La toile thermo-soudée qu’il a développée permet en particulier aux producteurs de porcs de réduire à la fois leurs coûts de production et leur empreinte climatique.
Quand on sait qu’au Québec, on élève 7 millions de porcs qui produisent pas moins de 45 000 tonnes de méthane, ce n’est pas un petit exploit que de réussir à capter et de contenir ce gaz à effet de serre extrêmement nocif que dégagent les fosses à lisier. D’autant moins qu’en plus de sa toile, Jean-François a mis au point un système de brûleur qui permet de détruire sur place pas moins de 96% de ce gaz à effet de serre 25 fois plus nocif que le CO2.
Mais la beauté de son système ne s’arrête pas là. Sa membrane empêche aussi les odeurs de s’échapper, en plus d’éviter que l’eau et la neige ne s’introduisent dans les fosses. Cela permet aux producteurs de diminuer d’au moins 40 % la quantité de lisier à devoir transporter et épandre sur des terres. Avec les quelque 3000 fosses qui existent dans la seule région Chaudière-Appalaches où il s’est établi, voilà une diminution du nombre de tracteurs sur les routes qui ferait bien plaisir aux MRC.
Si l’écologiste de 59 ans est parvenu à faire s’écrouler le mur de scepticisme des producteurs porcins, il n’a, hélas, pas encore réussi à éliminer les tracasseries réglementaires et les embûches que le ministère de l’Environnement met sans cesse en travers de son chemin.
« J’ai 35 ans d’environnement derrière la cravate. Ça fait huit ans que je travaille comme un forcené là-dessus. J’y ai investi des centaines de milliers de dollars. On a prouvé au ministère que ça marchait parfaitement, mais il a toujours de nouvelles exigences. Pour brûler le méthane dans un conduit d’un pouce et demi, on nous demande de remplir des formulaires comme si nous étions une aluminerie. J’ai une soixantaine de toiles installées sur des fosses à purin et dans mes calepins, j’aurais de la job pour les deux ou trois prochaines années, mais j’ai eu toutes les misères du monde à faire accepter l’installation de mes 18 premiers systèmes de brûleurs. Il en faudrait 200 !»
Devant la pugnacité du ministère de l’Environnement, Jean-François Ménard commence à perdre le goût de se battre. Alors que 8,3% de l’empreinte des gaz à effet de serre est attribuable au secteur agricole, Jean-François trouve absurde qu’à peine 0,4% de la cagnotte de 3,5 milliards du fonds vert y soit attribué. Sans cette aide, estime-t-il, les producteurs n’auront pas les moyens de contribuer à cet effort environnemental pourtant crucial. Bref, l’environnementaliste ne sera pas le premier à se plaindre de la gestion du Plan d’action sur les changements climatiques du Québec.