
Les trappeur du XXIe siècle
Dès le début du XVIe siècle, le Fort Témiscamingue est devenu un important poste de traite des pelleteries. Si vous aviez dit aux trappeurs et aux coureurs des bois de l’époque, qu’un jour, ils ne troqueraient plus des peaux de castor, mais des milliers de porcelets bien dodus, ils se seraient bien fendu la poire, en plus de raconter que vous faisiez du chapeau (de castor!). Pourtant, aujourd’hui, Étienne Hardy n’a rien d’un fabulateur.
Directeur principal de la production porcine pour l’est du Canada chez Olymel, le 3e producteur de porcs au Canada, il est responsable de ce qu’il appelle «la partie vivante de la production porcine». Et il n’est pas peu fier d’être associé au projet des maternités collectives des Fermes Boréales de l’extrême ouest du Québec qui, depuis juin 2016, ont commencé la production de porcelets à Fugèreville, à 7 heures en voiture de Montréal (10 heures de Québec).
En 2018, après plus de cinq ans de gros labeur, le bachelier de 41 ans et ses collègues auront accouché de cinq maternités dans la région boréale du Témiscaminque. Après Fugèreville, avec le soutien de ses spécialistes en régie d’élevage, en économie et en alimentation, Étienne Hardy orchestre la sortie de terre de la maternité de Béarn et de deux autres, à Lorrainville. L’emplacement de la cinquième ferme est encore à l’étude.
Celui qui, au fil des ans, a amélioré les structures du système, développé une section éthique et produit des cahiers de charges pour répondre aux différents besoins du marché des abattoirs souligne que les choses ne sont pas faites à la légère. Outre la présentation des projets aux producteurs agricoles et aux coopératives qui s’engagent dans ce partenariat, la Coop fédérée qui est la propriétaire d’Olymel a tenu à ce que le processus d’implantation tienne compte des besoins et des communautés qui habitent la région. Par exemple, le choix du positionnement des fermes a été fait de sorte qu’il n’y ait pas de transport de lisier par camion. Grâce à un système innovateur, l’épandage se fait par irrigation et incorporation à partir de tuyaux incorporés dans le sol, ce qui élimine une grande partie des odeurs.
«Nous voulions que ce soit accepté socialement. Ça prend un peu plus de temps à réaliser le projet, mais nous trouvons que ça vaut la peine d’expliquer ce qu’on veut faire et d’ajuster notre projet en fonction de la communauté où on veut l’implanter. De plus, à ma connaissance, il n’y a rien au Québec qui a été développé de cette façon du point de vue technologique.»
L’acceptabilité sociale du projet est, entre autres, passée par l’importance que le promoteur du projet a donnée au bien-être animal. Étienne Hardy fait remarquer qu’à cet égard, les mesures déjà mises en place aux Fermes Boréales surpassent les normes qui seront exigibles en 2024. Par exemple, l’espace alloué aux porcelets est de 16 pieds carrés de plus que ce qu’offre actuellement l’industrie. Pour répondre aux besoins des marchés des consommateurs de viande, les sociétaires qui ont investi dans le projet des Fermes Boréales souhaitent aussi diminuer l’utilisation d’antibiotiques.
Pour renforcer la surveillance du bien-être animal, Les Fermes Boréales ont également eu recours à Maximus, une entreprise québécoise qui a développé une interface permettant de centraliser toute l’information utile, que ce soit, par exemple, la consommation d’eau, les détecteurs de naissance, l’alimentation ou la détection à l’intérieur des niches intelligentes. Cette interface permet aussi de gérer et de maximiser l’apport alimentaire, de veiller à la fraîcheur et la qualité de la nourriture, tout en contrôlant les coûts de production.
Étienne envisage-t-il un jour de changer de milieu ? Quelle question ! Il s’y sent tellement dans son élément, que ce n’est pas demain qu’il compte changer d’air.