Le druide de Saint-Hyacinthe
Lorsqu’il est débarqué de Dijon, en 2000, Ivan Girard n’était pas un spécialiste de la célèbre moutarde. Ni même des vins de Bourgogne. Pour avoir été élevé sur une ferme laitière près de la frontière suisse, le jeune Français de 31 ans en connaissait un bail sur les pâturages et les belles vaches qui rient, mais ce n’est pas ce qui l’a conduit sur nos côtes.
Il peut bien dire que ce n’est pas par amour qu’il s’est installé chez nous. Qui le croira ? Passionné par la flore intestinale des ruminants et détenteur d’un doctorat en microbiologie de l’Université d’État du Kentucky, le Dr Ivan Girard était destiné à débarquer à Saint-Hyacinthe, le centre agroalimentaire du Québec, et à y développer Probiotech International.
Déjà avant son arrivée, il avait flairé qu’il y avait en Amérique un potentiel encore inexploité. Alors qu’en Europe, dès les années 1990, on s’affairait à se débarrasser des antibiotiques et des hormones de croissance chez les animaux d’élevage, au Québec, c’est tout juste si on commençait à se préoccuper
du problème de la résistance aux antibiotiques. C’est vrai qu’en Amérique du Nord, les lobbies pharmaceutiques n’avaient pas du tout envie que l’on vienne jouer dans leurs platebandes.
Les antibiotiques représentaient un filon qui valait de l’or !
Qu’à cela ne tienne, le druide de Franche-Comté avait dans la tête de fabriquer et de distribuer
des produits innovants, non médicamentés pour la santé et le bien-être des animaux. C’est à raison d’extraits de plantes, de stimulants d’appétit naturels, de bactéries lactiques et de concentrés
de levures actives qu’il gagnera son pari avec son partenaire Jean Babineau. Soulignons que l’entreprise travaille de plus en plus avec des gens d’ici pour extraire des huiles essentielles à partir
de plantes du terroir.
«En ce moment, ça bouge. Aux États-Unis, de grandes entreprises procèdent au retrait volontaire de certains facteurs de croissance et près de 50% des poulets sont élevés sans antibiotiques. Au Canada, les producteurs de volaille vont faire de même avec les produits les plus à risque pour la santé humaine. D’ici deux ans, l’arsenal antibiotique va être divisé par deux ou trois. Elle achève, l’époque où on utilisait les antibiotiques comme d’une assurance. Quand un porc sera malade, on ne pourra plus penser en soigner 2000 par prévention.»
Et les choses tournent franchement rondement. Depuis 2010, la croissance de Probiotech est substantielle et le chiffre d’affaires a augmenté de 25% par année pour atteindre 25 M$. Si bien qu’en 2016, il a fallu agrandir l’entrepôt et que l’an dernier, l’entreprise a encore dû injecter 2,5 M$ afin d’augmenter la production.
Même si les quelque 200 produits que la firme de Saint-Hyacinthe concocte sont destinés aux porcs, à la volaille, aux bovins, aux chevaux et aux animaux de compagnie, ils répondent aux mêmes normes de qualité que ceux qui sont destinés à la consommation humaine. Qui se surprendra que le 6 mai dernier, M. Girard se soit vu décerner le prix de l’excellence entrepreneuriale par l’Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière ? Une chose est sûre. Il n’a offert aucune résistance. Au contraire. Il lorgne désormais du côté des États-Unis, de l’Europe
et de l’Asie.