Le meunier qui ne broie pas du noir
N’ajustez pas votre appareil. Vous ne vous apprêtez pas à lire une vieille nouvelle. Ce n’est pas parce que ça fait un an bien sonné que François Vachon a remporté le prix de l’excellence entrepreneuriale de l’AQINAC qu’il ne fallait pas revenir sur son cas. Comme le dit lui-même l’ex-directeur général de la Meunerie de St-Frédéric, gagner le prix, c’est une chose, mais ça vient avec une responsabilité. De fait, François nous apprend que depuis qu’il a reçu cette reconnaissance, la meunerie familiale dans laquelle il carbure depuis 36 ans a fait beaucoup de chemin. Contrairement à ce que dit la comptine, le meunier ne dort pas et son moulin ne va pas trop vite !
En novembre 2017, le minotier qui se décrit comme un «généraliste bon dans tout, mais excellent dans rien», a laissé son poste de directeur général à son neveu Gino Vachon. Cela faisait des années qu’il avait dans la tête de mettre une grosse partie de ses énergies à former une relève. Le temps était venu. Il est loin d’avoir regretté son geste. Alors qu’au cours de sa carrière, dans la seule région de Québec, il a vu disparaître 18 meuneries, la sienne est toujours très bien enracinée dans le terroir.
Pourtant, en 1982, lorsque lui et quelques-uns de ses 12 frères et sœurs ont décidé de sauter dans l’aventure les yeux fermés, le prix du porc s’était effondré et l’entreprise de leur père était au bord de la faillite. Fini pour le très jeune François de faire des «starts» et de la boucane sur les routes de campagne avec sa Mustang. Si bien qu’en cinq ans, tous les créanciers ont été payés et la meunerie a repris de l’altitude. Une chance que les liens familiaux étaient extrêmement solides et qu’ils ont appris à administrer la business.
«J’ai toujours aimé les agriculteurs. Ce sont des gens qui sont tout le temps en train de construire quelque chose. Je fais tout pour les satisfaire. C’est pour ça que j’ai entraîné une relève dont je suis très fier. Avec mon fils, mes neveux et deux cadres très solides, nous sommes huit actionnaires. C’est beaucoup de monde, mais je les coache pour que tout se passe bien. Ils ont du talent dans le ventre, plein d’énergie, et travaillent sans compter. C’est le secret du succès.»
Plus question, pour les Vachon, de se confiner à l’alimentation porcine. Ils ont diversifié «au coton». Des moulées pour les veaux, des moulées à brebis, à cochons, à poules pondeuses, des minéraux, du tourteau de soya ou de canola, du blé, de l’avoine, de l’orge, de l’avoine, des fèves de soya et du maïs en grains… En voulez-vous ? En v’là !
S’il ne reste pratiquement plus que des gros joueurs à 300 M$ dans l’industrie, François soutient que c’est le service à la clientèle qui leur permet de se distinguer et de prospérer.
S’il dit avoir tout fait pour se faire mettre dehors de l’entreprise, force est de constater qu’il a raté son coup. À 58 ans, François Vachon avale 60 heures d’asphalte par semaine pour livrer autant de tonnes de moulée en sac. Aujourd’hui à Varennes, ce soir affairé à l’entretien mécanique et un autre tantôt à faire du coaching et des relations clients, notre homme trouve encore le temps de voyager (il a adoré la Chine), de construire un chalet en récupérant des matériaux (et sans rien acheter en quincaillerie !) et d’élaborer sa théorie sur l’origine de l’univers.
Sans l’ombre d’un doute, il n’est pas à la veille de raccrocher son tablier.