Le secret d’un grand cru
Denis Desfossés croit bien qu’il existe quelques exploitations laitières plus petites que la sienne dans le coin de Richmond. Mais même s’il n’y a pas de place pour deux grands bœufs dans son étable, cela n’a pas empêché son exploitation lilliputienne de Sainte-Brigitte-des-Sauts, près de Drummondville, de récolter le prix Lait’xcellent Or 2016. Même qu’au cours des 13 dernières années, le producteur de 57 ans s’est distingué 12 fois au palmarès des 25 entreprises laitières offrant la meilleure qualité du lait
au Québec.
Régnant doucement sur les 70 acres de terre de la ferme fondée en 1905 par son arrière-grand-père, Denis se satisfait amplement des 600 litres de lait frais que lui offrent chaque jour ses 20 vaches en lactation. Jamais il n’aurait l’idée d’abuser de la nature en faisant de la surtraite. Oubliez les robots. Il récolte son nectar de grand cru par gravité à l’aide d’un système de traite lactoduc. Et ne lui suggérez pas d’aller se procurer des animaux sur le marché. Depuis toujours, son cheptel est exclusivement le fruit de la reproduction naturelle de ses bêtes. Tout au plus consent-il à vendre les veaux qui voient le jour sur
sa paille.
Sur la terre qu’il a achetée de ses parents en 1990, vous ne verrez pas rouler de monstres rutilants à
200 000$. La machinerie d’occasion lui convient amplement. C’est d’ailleurs en évitant d’engloutir des fortunes dans des installations coûteuses qu’il parvient à bien vivre de son petit troupeau.
De toute façon, le secret de la grande qualité du lait qu’il produit ne repose pas sur une quelconque quincaillerie dernier cri. Sans enfants, ni conjointe, Denis ne compte pas ses heures. Il donne tout ce qu’il
a à ses animaux.
«Je fais très attention à garder ma ferme très propre. Je ne laisse jamais mes vaches sur une litière humide. J’en mets épais pour éviter que les bactéries atteignent les trayons. Ça paye. La preuve, c’est que je n’ai jamais besoin de vaccins contre la mammite. Mes animaux ne sont pratiquement jamais malades. C’est très satisfaisant, car je ne suis jamais pris pour jeter du lait. C’est pas mal moins d’ouvrage.»
Parlant d’ouvrage, Denis Desfossés ne redoute peut-être plus qu’une seule chose. Depuis que sa brave mère de 91 ans a dû se résigner à quitter la ferme le mois dernier, Denis doit désormais faire sa propre popote. Débrouillard comme il est, il s’arrange, bien sûr, mais il voit venir la prochaine saison des foins avec une certaine appréhension.
C’est peut-être le lot de ceux qui ont toujours consacré leur vie aux autres ?