Lauréats du Prix Synergie de l’innovation 2015
La laitue mène à tout, pourvu que l’on creuse! C’est exactement ce que viennent de prouver Jean Caron et Daniel Malenfant. Après huit ans d’efforts acharnés qui ont requis un investissement de plus de 5 M$, le chercheur de l’Université Laval et le directeur général de la firme Vert Nature ont développé AGIRRSOL, un logiciel qui permet de suivre et de combler en temps réel les besoins en eau des laitues et d’éviter, à la fois, le manque et le gaspillage d’eau ainsi que la perte de récoltes.
Le programme informatique qu’ils ont développé (en partenariat avec les firmes Delfland, Fermes Hotte et Van Winden, Maraîchers J.P.L Guérin & fils et Production horticole Van Winden) vient d’ailleurs de leur valoir le Prix Synergie de l’innovation 2015 décerné par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).
«Au départ, raconte Jean Caron, ce sont de grands producteurs maraîchers qui nous ont approchés. Ils étaient confrontés au problème de la brûlure de la pointe et souhaitaient qu’on les aide à trouver une solution à ce désordre physiologique qui leurs occasionnaient de grandes pertes.»
Conscient qu’il s’agissait d’une problématique de gestion de l’irrigation, le spécialiste en physique des sols a planché sur un logiciel qui, en couplant les données de capteurs mesurant l’humidité du sol et celles des études de cartographie effectuées sur le terrain, permettrait de générer une prescription d’irrigation très précise. Puisque 30% des problèmes sont liés à l’irrigation et 40% relèvent du drainage, on comprend vite les gains de productivité que ce logiciel pourrait offrir.
«Notre logiciel, c’est exactement comme si on fournissait aux pompiers un système d’alarme qui leur prédirait où et dans combien de jours allait se déclarer l’incendie. Nous sommes en mode préventif plutôt que réactif.»
Après avoir procédé à plus de 3000 sondages sur les milliers d’acres de production des maraîchers impliqués dans le projet, un réseau de capteurs sans fil a été installé dans les champs. Ce réseau transmet au logiciel les données qu’il analyse en tenant compte des prévisions météorologiques. Les résultats sont finalement transmis au producteur qui saura alors où, quand et dans quel ordre exactement il lui faudra arroser ses parcelles de terre.
Ces informations sont d’autant plus précieuses que le phénomène de la brûlure de la pointe résulte d’un problème de circulation du calcium dans la plante. «C’est l’eau contenue dans le sol qui transporte le calcium nécessaire à la plante, explique M. Caron. Si le sol est trop sec ou s’il est saturé d’eau, dans les deux cas, la feuille souffrira d’une déficience localisée de calcium. Notre logiciel a été conçu justement pour éviter ce problème.»
Ne nous contons pas de salade. AGIRRSOL n’est encore qu’un prototype. M. Caron et Malenfant savent qu’il faudra encore ajouter et intégrer des contraintes de drainage pour améliorer la performance du logiciel. Il sera également nécessaire d’y coupler des outils de cartographie à plus grande échelle. Et comme les drones actuellement sur le marché n’offrent pas du tout le niveau de précision que les sondes qu’utilisent aujourd’hui nos lauréats, il faudra encore patienter quelques années avant que les producteurs de jeunes pousses de laitues, d’épinards, de mesclun, voire éventuellement de pommes de terre, de canneberges, de fraises et de maïs puissent en profiter.