Leila Fayet, 14 mai 2021
Au Danemark, des visons d’élevage étaient infectés par des variants du virus responsable de la COVID-19. À la fin de l’année 2020, plus de 200 personnes étaient contaminées par ces variants et ont contracté la maladie. Le gouvernement danois a ordonné l’abattage de plus de 17 millions de visons d’élevage par mesure de prévention.
« L’abattage de milliers de visons d’élevage au Danemark me rend très triste. Des éleveurs ont transmis la COVID-19 à des visons. Puis des visons auraient infecté leurs éleveurs. Mais le nombre de cas observés n’est pas suffisant pour valider scientifiquement l’hypothèse de recontamination. De plus, comme tous les virus, le coronavirus a muté en changeant d’hôte. Mais, je ne crois pas que les visons soient un danger pour l’humanité et pour le développement du vaccin» dit Levon Abrahamyan, spécialiste des zoonoses à l’Université de Montréal.
Au Québec aussi, les éleveurs de visons s’inquiètent. Il en existe 9 à l’heure actuelle. M. Pierre Labonté, éleveur de visons en Beauce, espère que les vaccins humains seront efficaces et que des vaccins pour les visons verront le jour. « Nous surveillons nos visons et ils n’ont pas de symptômes de la maladie. Nous suivons scrupuleusement les recommandations de l’Association canadienne des éleveurs de visons (CMBA). Nos employés portent des gants, un masque, des lunettes et une visière aussitôt qu’ils entrent sur le site. Un animal par cage et une distance de 3 pouces entre chaque cage complètent nos mesures de prévention, » dit M. Labonté. Partout au Québec, les mesures sanitaires sont sérieusement suivies d’après M. Abrahamyan : « Au Canada et aux États-Unis, des règles rigoureuses de surveillance et de biosécurité ne permettent pas la propagation du SRAS-CoV-2 dans les fermes de visons. C’est une leçon importante que d’autres pays pourraient adopter. »
M. Labonté prend au sérieux les risques de zoonoses : « Le seul moment où il y a eu un risque de zoonose, c’était en octobre 2008. Des activistes pro-animaux ont relâché 3 500 visons. Ils ont tous été retrouvés, sauf un. On avait peur des zoonoses, car il était dans la nature depuis plusieurs semaines, » précise l’éleveur. Le scénario suivant aurait pu se produire. Un Grand-duc d’Amérique attaque une moufette infectée par la rage. Sur ses serres et son bec, il transporte le virus. « Mais, il ne risque rien, car sa température corporelle élevée tue le virus dans son corps. C’est un vecteur mécanique. L’oiseau de proie attaque le vison. Il enfonce ses serres dans la chair du vison, proche du cou. Le vison est maintenant infecté, » explique Guy Fitzgerald, vétérinaire spécialiste des oiseaux de proie au Centre hospitalier universitaire vétérinaire de l’Université de Montréal (CHUV).
Pour la prévention contre les zoonoses, M. Abrahamyan propose plusieurs pistes : « En plus de règles d’hygiène strictes de l’industrie de l’élevage, l’être humain devrait éviter de rentrer en contact avec les espaces et les animaux sauvages. Plus il limite les interactions avec ces milieux, plus il diminue le risque d’attraper des maladies d’origines animales. L’activité humaine comme la déforestation des forêts vierges, par exemple, devrait être diminuée et contrôlée d’un point de vue sanitaire. Il faut aussi surveiller davantage la santé des animaux sauvages, comme les oiseaux, les ratons-laveurs, les renards, les rongeurs, etc. Et enfin, investir dans la recherche sur les zoonoses permet de mieux les connaître et donc de mieux les combattre.»
Un vaccin pour les visons?
La parole à M. Abrahamyan : « Deux aspects sont importants : le virus, qui cause la COVID-19, peut se propager parmi les visons d’élevage, mais aussi le virus peut être transmis aux animaux sauvages. Il y a déjà quelques cas signalés de détection de ce coronavirus parmi les animaux en liberté. Ainsi, le vaccin pour les visons empêchera non seulement la propagation entre les animaux d’élevage, mais empêchera également la transmission du virus aux animaux sauvages. Deuxièmement, le vaccin freine (j’espère) la transmission du nouveau coronavirus entre les employés de la ferme et les visons d’élevage. »
Sources:
Gouvernement du Canada
Organisation Mondiale de la Santé
Entrevue Le 27 novembre 2020 avec Levon Abrahamyan, Professeur adjoint à la Faculté de médecine vétérinaire – Département de pathologie et microbiologie, spécialiste en zoonoses, virologie humaine et animale, virus du vison, du porc et autres animaux, développement de vaccins.
Entrevue le 11 décembre avec Pierre Labonté, Éleveur de vison. Informations scientifiques de l’article validées le 8 mai 2021 par Pr. Levon Abrahamyan.