Marc Bieler, le roi de l'atoca

Marc Bieler, le roi de l'atoca

Le roi de l’atoca

« Le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre ». Ce proverbe sied tout à fait à Marc Bieler, le plus gros producteur de canneberges au Canada et l’un des plus importants au monde. Pour tout dire, le gars de Saint-Louis de Blandford s’avère une précieuse graine issue de trois souches bien enracinées.

C’est d’abord en Suisse, sur la propriété de campagne de son grand-père botaniste qu’il s’éveille à l’agriculture. Puis, à l’instar de son paternel qui a été sous-ministre des finances sous le règne d’Adélard Godbout, Marc occupera un poste au ministère de l’Agriculture en développement régional. Enfin, il y a sa rencontre marquante avec son mentor Pierre Dansereau, le père de l’écologie moderne qui lui a enseigné dans le cadre de sa maîtrise en urbanisme. 

En 1969, titulaire d’un baccalauréat en économie, l’entrepreneur en devenir prendra racine à Frelighsburg où il acquiert son premier verger. Il se lancera dans la transformation en jus de pommes. La suite coulera (presque) de source. Après avoir essuyé les premiers effets des dérèglements climatiques sous forme de grêle, de gels et dégels, Marc décide de diversifier sa production. C’est du côté de la canneberge, fruit des tourbières des régions froides, qu’il lorgne pour la fabrication de jus.

Qu’importe s’il n’existait à l’époque qu’un seul producteur d’atocas au Québec et que ce dernier se devait de vendre toute sa récolte au géant américain Ocean Spray. En 1983, à 45 ans, il s’attaque à la culture de la grande airelle rouge sur des terres impropres à l’agriculture. La petite parcelle du départ deviendra grande.

Après sa cannebergière de Saint-Louis de Blandford, il en développe une seconde à Notre Dame de Lourdes, une autre à Saint-Augustin, encore une autre près de Siracuse, dans l’état de New York, puis une cinquième à Péribonka. En tout, Canneberges Bieler cultive 1500 acres nivelés au laser. Il a si bien fait fructifier son entreprise qu’il y a trois ans, Ocean Spray, la puissante coopérative qui regroupe 800 producteurs de canneberges, lui a proposé d’acheter son usine. L’affaire a été conclue.

Aujourd’hui, Marc continue de remplir ses congélateurs d’une capacité de près de 23 000 tonnes (50 millions de livres) au milieu de ses tourbières qui abritent toujours campagnols, busards, canards, libellules, chevreuils, orignaux et quoi encore. 

Si les techniques d’aménagement des champs ont beaucoup évolué au cours des 40 dernières années, Marc est bien conscient de la problématique environnementale de cette culture. Le disciple de Pierre Dansereau souhaite vraiment faire la promotion d’une agriculture durable qui n’a rien à voir avec celle du maïs ou du soja, par exemple. Ce n’est donc pas un hasard s’il a récemment fait une contribution de 15 millions de dollars répartie sur 20 ans pour soutenir la recherche au sein de l’École de l’environnement de McGill qui a rebaptisé l’institution à son nom. 

« Nous avons maintenant des systèmes d’irrigation et de protection de gel automatisés. Des capteurs sont installés dans les champs et déclenchent automatiquement les systèmes de gicleur lorsque le besoin se fait sentir. Toutes nos données sont informatisées. C’est devenu très sophistiqué. Au niveau des pesticides, les produits sont beaucoup plus ciblés et moins toxiques pour les animaux. En ce moment, sur nos terrains, nous avons lancé plusieurs projets de recherche sur de nouveaux produits qui vont faire l’objet d’une demande d’homologation. »

À 83 ans, le patriarche, toujours dangereusement en forme, émerge tout juste d’une réunion de famille qu’il avait convoquée avec ses cinq enfants. Si l’enjeu principal consiste à maintenir la position de l’entreprise dans son activité principale, d’autres cartes sont sur la table de cuisine. La famille jongle avec l’idée d’une certaine diversification. 

Maintenant que l’aîné, Jean-François, occupe le poste de directeur général de la société Dion Herbes & Épices, le plus grand vendeur de ce secteur au Québec, une percée dans le domaine agroalimentaire est sérieusement envisagée. Marc fonde aussi beaucoup d’espoir dans la cadette, Florence. Détentrice d’un bac en agronomie de l’université McGill, elle complète un MBA à l’Université Laval. Papa appelle de tous ses vœux pour qu’elle revienne exercer ses talents au sein des cannebergières de la famille. De toute évidence, les Bieler n’ont pas dit leur dernier mot !

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