Louis Brun, les cybersoleils

Louis Brun, les cybersoleils

Les cybersoleils

Qui n’a pas rêvé, en ouvrant son rideau de chambre sur un ciel gris, de pouvoir claquer des doigts pour commander un soleil de Floride ? La télé transportation n’est pas encore à notre portée, mais les fruits et légumes, eux, jouissent d’une longueur d’avance. Grâce à la lumière de Sollum Technologies, une entreprise établie depuis 2018 dans le Vieux-Montréal, les laitues, tomates, fines herbes, légumes racines, poivrons, fraises, et même des mains de Bouddha peuvent désormais s’éclater en serre sous les rayons 100 % préprogrammés de n’importe quelle latitude.  

C’est à Louis Brun, le président-directeur général de l’entreprise et ses partenaires fondateurs, François R.-Moisan et Gabriel Dupras, que l’on doit ce système d’éclairage intelligent révolutionnaire. En utilisant des semi-conducteurs à diode électroluminescente (DEL) optimisés par les algorithmes que son équipe a développés, il est aujourd’hui possible pour un producteur de maximiser l’énergie qui est dardée sur les plantes. Ce bombardement de faisceaux permet à la fois d’augmenter de façon substantielle leur croissance, leur qualité et la productivité.

Mais attention ! Si la technologie que l’ingénieur électrique a su dompter s’appuie sur le DEL, elle n’est en rien comparable, par exemple, au DEL sans intelligence que Montréal est en train d’installer sur les 132 000 lampadaires de son territoire. La solution  que son entreprise a su mettre au point peut être modulée à volonté et offre le spectre complet de la lumière naturelle du soleil avec une précision de 99 %. On est, c’est le cas de le dire, à des années-lumière du simple commutateur ON-OFF !  

Nous sommes capables, par exemple, de reproduire un lever de soleil du Japon à une date et une heure précise de l’année.

« Nos lampes ont été créées pour devenir un objet intelligent. Chacun de nos luminaires est muni d’un microordinateur. Tous sont interconnectés par le biais d’un réseau qui est en mesure de contrôler l’ensemble des paramètres à partir d’une plateforme que nous avons baptisée Le soleil à votre serviceMC . Nous sommes capables, par exemple, de reproduire un lever de soleil du Japon à une date et une heure précise de l’année. Nous pouvons le programmer pour réveiller tel type de plantes, pour restituer les nuances de la lumière qui sont les couleurs de l’arc-en-ciel. Il est conçu pour s’adapter à différents types de cultures. Ça permet d’optimiser leur croissance et de faire pousser une plus grande quantité et une plus grande variété de plantes que les DEL standards. » 

L’an dernier, constatant que l’industrie avait atteint un niveau de maturité, Sollum a décidé de déployer sa technologie à grande échelle. Dans les Serres DEMERS de Saint-Nicolas et d’Allegro Acres, dans le sud-ouest ontarien, l’entreprise a irradié de lumière pas moins de deux hectares de serres. Les résultats ont permis de démontrer que leur solution pouvait générer le rendement attendu dans un contexte réel et commercial. Et les retombées sont si concluantes qu’Allegro Acres a choisi de déployer la solution de Sollum sur huit acres supplémentaires.

À ce jour, Sollum s’attarde prioritairement à la productivité. Avec succès puisque sur une variété de plantes cultivées en serre, on a enregistré un gain moyen des paramètres de croissance entre 11 % et 39 %, des délais de récoltes significativement raccourcis et des produits frais plus longtemps après la cueillette. 

Mais pas question pour l’entrepreneur dans la jeune cinquantaine de s’arrêter en si bon chemin. Il a déjà entrepris de pousser plus loin l’utilisation de ses algorithmes pour développer de nouvelles « recettes solaires ». En faisant évoluer les protocoles d’éclairage, ce visionnaire peut, entre autres, accroître la teneur en sucre et en vitamine C des fraises, augmenter le croquant de la roquette et le goût des tomates. Comme si elles poussaient au champ. Ainsi, en soutenant une disponibilité accrue de produits qui sont au goût des consommateurs, il peut contribuer à l’autonomie alimentaire.

Pour ne rien gâter, la solution d’éclairage intelligent de Sollum consomme 30 % de moins d’énergie que les luminaires au sodium encore utilisés dans les serres. Mieux ! Ils sont trois fois moins polluants à fabriquer. Et c’est Made in Québec, s’il vous plaît ! 

Depuis le début de la pandémie, Louis Brun, qui en est à sa quatrième entreprise en démarrage dans le domaine des nouvelles technologies, est tout de même parvenu à doubler ses effectifs, passant d’une vingtaine à une cinquantaine d’employés. S’étonnera-t-on que l’ingénieur vienne d’être sélectionné pour joindre la cohorte 2021 des Fellows du C100? Seul dirigeant québécois, cette année, à avoir le privilège de participer à ce collectif d’hommes d’affaires de premier plan au sein d’entreprises technologiques, il se dit ravi de pouvoir bénéficier des conseils de mentors d’expérience, d’un réseautage personnalisé et de leur expérience.

Sur le long terme, ce père de quatre enfants rêve encore et toujours de révolutions. Il n’exclut rien. À défaut de ventilation, un jour les écoles pourraient bien se munir de son éclairage « algorithmé » pour améliorer le bien-être des enfants. Il pourrait éventuellement servir pour favoriser la santé des vaches en étable. Un coup parti, pourrait-on aussi rêver y faire pousser des oranges? Un avenir brillant se lève à l’horizon.

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