Entrevues

12 questions avec Jean-Simon Petit, maître charcutier

12 questions avec Jean-Simon Petit, maître charcutier

De très jeune boucher jusqu’à devenir lauréat du Laurier de l’Artisan de l’année, en passant par une participation à la première saison des Chefs!, Jean-Simon Petit a certainement su tailler sa place dans le monde de la charcuterie artisanale au Québec.

Ce beau parcours professionnel mène aujourd’hui le chef de la Ferme des Quatre-Temps à la publication de son premier livre de recettes intitulé Baloney – Charcuteries, Conserves et Compagnie.

Pour souligner l’occasion, découvrez le parcours de ce maître charcutier en 12 questions-réponses!

Jean-Simon, raconte-nous un peu ton histoire. D’où vient ta passion pour la charcuterie?

J’ai commencé très tôt à travailler dans le domaine. Déjà à 15 ans, je commençais mon cours de boucher. Ensuite, j’ai travaillé dans de petites boucheries et j’ai aussi beaucoup appris d’un vieux boucher de carrière. Après, j’ai fait mon cours de cuisine et j’ai valsé entre les deux. Mais c’est vraiment lorsque je travaillais à la Taverne Square Dominion que j’ai commencé à faire des charcuteries maison à temps plein et que j’ai découvert ce métier.

Comment as-tu appris toutes ces techniques dont tu es maintenant le maître? Te considères-tu autodidacte?

Au niveau de la charcuterie, oui, je dirais que je suis autodidacte, parce qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui en font au Québec et qui peuvent transmettre leurs savoirs. J’ai aussi beaucoup appris à travers mes voyages, en lisant beaucoup de livres américains et européens et en participant à des concours.

À quels concours as-tu participé?

Plus récemment, on a participé avec la Ferme des Quatre-Temps au Mondial Rabelais en France, qui est dans le fond le Mondial du Saucisson. On y a remporté 4 médailles d’or!

Wow, félicitations! D’ailleurs, tu es aujourd’hui Chef à la Ferme des Quatre-Temps. Comment le contact direct avec les animaux et l’agriculture a-t-il eu un impact sur ton travail?

La relation avec les animaux est super importante, parce qu’à la base, la charcuterie c’est du porc et du sel. La qualité de la viande joue énormément. Donc le fait que les cochons qu’on élève soient en pâturage et en forêt a vraiment un impact sur la qualité des muscles et du persillage de la viande. Et puis au niveau des aromates, on travaille directement avec les maraîchers de la ferme, alors on a tout ce qu’il nous faut. Je crois qu’on est pas mal les seuls à pouvoir faire ça.

Une étagère remplie d'une variété de conserves faites par Jean-Simon

J’imagine que cette proximité te permet d’avoir une grande liberté créative?

Oui, ça nous pousse à innover et faire les choses différemment. Par exemple, lorsque les maraîchers récoltent les poireaux, ils doivent enlever une bonne partie des feuilles vert foncé. Eh, bien avec mon partner Olivier, on a décidé de prendre ces feuilles, de les mettre au fumoir et de les déshydrater pour créer une nouvelle saveur de saucisson. Ça nous permet de faire des produits uniques tout en limitant les pertes de la ferme, ce qui est notre objectif finalement.

Maintenant que tu travailles en agriculture et en élevage, quels sont des enjeux ou des problématiques qui diffèrent du temps où tu travaillais en boucherie ou en cuisine?

La plus grande problématique est beaucoup du côté des animaux et de l’élevage. L’accès aux abattoirs est de plus en plus difficile, il n’y en a presque plus. Il faut les envoyer plus loin, ce qui n’est vraiment pas l’idéal.

Tu viens d’écrire ton premier livre : Baloney. Qu’est-ce qui t’a inspiré à le faire?

J’avais beaucoup d’amis et de connaissances qui me disaient vouloir apprendre à faire leurs charcuteries maison et découvrir d’autres petits trucs de pro, donc j’ai décidé de me lancer et de faire en quelques sortes un petit legs à tout le monde. J’ai vraiment voulu tout adapter pour que ce soit le plus petit matériel possible et que les recettes puissent se faire à petite échelle, ce qui n’existe pas vraiment dans les ouvrages semblables actuellement.

Couverture du livre de recette Baloney par Jean-Simon Petit

Donc j’en déduis que Baloney s’adresse pas mal à tout le monde qui s’intéresse à la charcuterie?

Ça s’adresse à tout le monde, mais aussi aux cuisiniers professionnels. Au Québec, on a beaucoup de fromages fins et d’excellents artisans à ce niveau-là, mais on n’a vraiment pas beaucoup d’artisans spécialisés en charcuterie. La majorité des charcuteries qu’on retrouve au Québec viennent de chaînes commerciales qui font la transformation elles-mêmes, ou ce sont des produits de l’extérieur. En ce moment, je dirais qu’on est au maximum 10 artisans charcutiers au Québec, donc il y a beaucoup de place pour le développement. J’aimerais ça voir plus de charcuteries artisanales provenant de partout sur notre terroir sur des plateaux de charcuteries, et c’est pour ça que je veux partager mes recettes et les rendre accessibles.

C’est vraiment une super idée! Est-ce que tu dirais que c’est facile voire faisable pour monsieur et madame Tout-le-Monde de faire ses charcuteries à la maison?

C’est sûr qu’il y a des niveaux de difficulté. Par exemple, le prosciutto est plus dur à faire, donc je ne recommande pas de commencer avec ça. Je dirais de commencer avec les saucisses fraîches, puis ensuite essayer les saucissons, et enfin évoluer vers des charcuteries plus complexes.

Un plateau de charcuteries et autres confections maison par Jean-Simon Petit

À part des recettes, à quoi peut-on s’attendre de retrouver dans ton livre? Des anecdotes, astuces..?

Chaque recette vient avec une anecdote ou une histoire qui suit vraiment mon parcours avec le temps. Je parle de chefs qui ont eu une influence sur mon travail et d’artisans que j’ai croisés par exemple, donc il n’y a pas que des recettes à découvrir. Aussi, on n’y retrouve pas juste des recettes de charcuteries, mais également de conserves, de fermentations et même de boulangerie, donc je partage quelques trucs là-dessus.

Après la sortie de Baloney, qu’est-ce qui t’attend au niveau professionnel? Un deuxième livre à l’horizon peut-être?

Je travaille déjà sur deux idées de livres! En visitant d’autres fermes, j’ai réalisé qu’un truc qui aide beaucoup le maraîchage est la transformation de leurs produits. Je parlais notamment avec Stéphanie Wang de la ferme Le Rizen. Auparavant, elle ne faisait pas de transformation, mais elle m’a appris qu’aujourd’hui 60% de ses ventes viennent de ses produits transformés. C’est pour ça que je veux faire une sorte d’encyclopédie de la transformation maraîchère, avec toutes les techniques pour aider les maraîchers à faire leurs conserves et à transformer leurs produits.

C’est génial, j’espère que ce projet verra le jour! Pour terminer en beauté, la question qui tue : Charcuterie française ou Charcuterie italienne?

Je suis vraiment plus charcuterie italienne. Pour moi, le prosciutto est meilleur que jambon de Bayonne!

Merci beaucoup Jean-Simon, j’ai bien hâte d’essayer tes belles recettes!

Avec plaisir!

Le livre Baloney – Charcuteries, Conserves et Compagnie par Jean-Simon Petit et publié aux Éditions Cardinal est disponible en librairie dès le 24 octobre 2023.

 Crédit photos: Stéphan Doe

 

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