Jean-François Gauthier, traqueur de méthane

Jean-François Gauthier, traqueur de méthane

Traqueur de méthane

Le sud de l’Europe brûle, la Californie a soif, l’Asie se noie sous la violence des moussons et des typhons. En dépit du changement climatique de plus en plus marqué sur la planète, certains persistent à demeurer optimistes. C’est le cas de Jean-François Gauthier, vice-président de GHGSat.

Sur le boulevard Saint-Laurent, à deux pas de Chez Schwartz’s, l’entreprise fondée en 2011 par Stéphane Germain conçoit et développe une technologie de capteurs haute résolution et de récolte de données. Ils sont destinés aux industries qui cherchent à réduire leur empreinte carbone. À 500 km dans l’espace, se déplaçant sur une orbite polaire, ses petits satellites traquent et débusquent les fuites de méthane sur terre.

Jean-François Gauthier, ingénieur mécanique en aérospatial, raconte que le 14 janvier 2022, ce sont leurs instruments placés à bord de leurs véhicules spatiaux qui ont détecté la plus grande fuite de CH4 d’une installation individuelle jamais vue par la firme. Pas moins de 13 panaches vomissaient près de 90 tonnes de méthane à l’heure en Sibérie, là où se trouve la plus grosse mine de charbon de Russie.

La vache à lait de GHGSat est principalement constituée des sites pétroliers, miniers et des décharges d’enfouissement du monde. Il n’en demeure pas moins que le secteur de l’agriculture a son importance.

Aux États-Unis seulement, environ 36 % des émissions de méthane libéré dans l’atmosphère proviennent des rots de vache et de la gestion du fumier. Les 26 586 parcs d’engraissement de ce pays génèrent de très grandes quantités de ce gaz à effet de serre 28 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2). Leur détection a son intérêt pour la firme montréalaise dont les spectromètres sont conçus à Québec et les satellites, assemblés à Toronto. Grâce à sa technologie de pointe, le chef de file mondial dans le domaine souhaite avoir un impact positif sur la lutte contre le dérèglement climatique.

D’ailleurs, en février dernier, un des six satellites de GHGSat a réalisé tout un exploit. Tapis dans l’espace, ses yeux de lynx permettent d’obtenir une extraordinaire résolution de 25 mètres. Il a réussi à mesurer le volume de rots et de pets d’un troupeau individuel sur une ferme californienne. Une première pour cette technologie innovante. Mieux ! Comme le dispositif peut aussi être installé sur des avions volant dix fois moins haut que les satellites, bonne chance aux rots qui voudront échapper à ses capteurs.

En 2016, leur première précieuse cargaison a été lancée depuis le centre spatial Satish-Dhawan, en Inde. La deuxième s’est arrachée à la gravité en Guyane française à bord d’une fusée Ariane. Par la suite, c’est SpaceX, la société spatiale d’Elon Musk qui a procédé à la mise en orbite à partir du Cap Canaveral. À 43 ans, Jean-François qui rêvait devenir astronaute depuis qu’il est haut comme ça est au septième ciel. Responsable des mesures qui proviennent des satellites et des avions, il voit à l’évolution des produits pour propulser la croissance de l’entreprise.

« On a six nouveaux satellites en construction qui seront lancés en 2023. Nous élargissons notre constellation pour pouvoir couvrir plus de sites de façon plus fréquente. La détection du méthane, c’est une chose, mais notre prochaine étape, c’est de passer du dépistage aux initiatives stratégiques. Je suis chargé des relations avec les gouvernements et les industries pour m’assurer que l’on s’attaque de façon concrète à cette pollution. »

Lorsqu’on lui demande où il voudrait être dans dix ans, Jean-François, marié et père d’un enfant, répond tout de go : « Je me vois sur Mars. Y’a pas mal de méthane ! », s’esclaffe-t-il. Plus sérieusement, il espère qu’il sera parvenu à transformer l’entreprise de sorte qu’elle fasse vraiment une différence à l’échelle mondiale. En ces temps de catastrophes annoncées, on lui souhaite de réussir au-delà de ses espérances. Pour son fils et la descendance de l’humanité tout entière.

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