Bryan Denis, l'éleveur qui ne vache pas

Bryan Denis, l'éleveur qui ne vache pas

L’éleveur qui ne vache pas

Le mieux est l’ennemi du bien. S’il y en a un qui ne s’est jamais laissé convaincre par ce proverbe du XVIIIe siècle, c’est bien Bryan Denis. Sa famille, enracinée depuis cinq générations sur le chemin Taché Ouest de Saint-Cyprien, n’a cessé de dompter la mince couche de terre affleurant sur les arêtes rocheuses des plateaux du Bas-Saint-Laurent.

L’an dernier, sur la ferme Denijos, son domaine vaste comme la moitié du Central Park de New York et soumis à 275 jours de gel par an, le producteur bio a réussi un tour de force. Il a remporté la première place au pays pour l’excellence en matière de gestion de ses vaches laitières selon l’Indice de performance du troupeau. Cela faisait quatre ans que l’éleveur de 65 vaches en stabulation libre caracolait dans le top trois. En 2019, par exemple, il décrochait l’Ordre national du mérite agricole. Bref, vous aurez tout de suite compris que Bryan n’est pas du tout perfectionniste. Il n’est pas non plus du genre à se soucier pour deux cennes des petits détails. Ben non, voyons donc !

Pour pouvoir arborer leur certificat de produits biologiques, Bryan et sa conjointe Julie Dagenais se dévouent corps et âme à la production d’un troupeau sans hormones ni antibiotiques. Et puisque les vaches doivent prendre la clé des champs dès l’âge de neuf mois pour brouter allègrement, le couple s’astreint à une agriculture sans fertilisants chimiques et sans OGM. En maintenant des bandes tampons avec les terres des autres cultivateurs qui s’adonnent toujours aux cultures conventionnelles, il s’assure ainsi que ses animaux jouissent d’un fourrage qui donnera un lait exceptionnel. Bientôt, non seulement ses veaux boiront du lait en quantité suffisante pendant au moins les trois premiers mois de leur existence, mais ils pourront même choisir de quelle vache nourrice ils étancheront leur soif.

À 35 ans, s’il est très fier de sa production bio, Bryan doit rendre à César (et à Cléopâtre !) ce qui est à César et à Cléopâtre. Après tout, il n’avait que 15 ans lorsqu’en 2002, Régis et Geneviève, ses parents, se sont convertis à une agriculture en harmonie avec la nature. Allez hop ! Les fumiers ont été valorisés au maximum et la transition dans les champs a été complétée en à peine six ans. Le couple avant-gardiste avait jonglé avec les méthodes alternatives de l’époque, allant jusqu’à recourir à l’homéopathie pour soigner les vaches.

De son côté, Brian nous rassure. Il ne fait pas appel aux remèdes à doses infinitésimales. Pour certaines infections, il s’en remet plutôt aux huiles essentielles et fait en sorte que tout soit « sur la coche » pour prévenir les maladies. Et lorsque certaines problématiques particulières se présentent, il consulte les membres de la communauté bio. D’ailleurs, il remercie le ciel de pouvoir aussi compter sur son équipe de conseillers et conseillères tant au niveau financier que de la gestion de ses champs et de la régie du troupeau.

Au cours des dernières années, le Bas-Saint-Laurent a connu cinq épisodes de sécheresse. Pour cette raison, depuis 2020, tout ce beau monde qui travaille avec lui met l’emphase sur l’amélioration des rendements des pâturages et des champs.

« On essaie de trouver les bonnes variétés et les pratiques qui permettraient de mieux résister au manque d’eau. En 2017 et 2018, j’ai dû acheter du foin en Mauricie et dans le coin de Saint-Jean-sur-Richelieu. Je me suis juré de ne plus revivre ça. On s’assure chaque automne d’engranger 200 balles rondes de surplus pour couvrir l’hiver et le début du printemps suivant. Comme ça, je ne suis pas pressé de faire ma première coupe. Avec l’excédant, je fais de l’engrais vert. Ça me permet d’ajouter des unités d’azotes à mon sol et de ne pas avoir à importer du fumier. Ça paye. Depuis cinq ans, malgré les épisodes de sécheresse, nos rendements ont augmenté de 20 %. »

Après sept années passées à construire et à rénover ses bâtiments de ferme, le père de deux petites filles d’un et trois ans désire rembourser ses dettes tout en mettant à profit ses terres et ses vaches qu’il a tant bichonnées. Depuis leur maison de bois à pignon rouge campée entre le Saint-Laurent et le lac Témiscouata, Bryan et Julie mijotent des projets d’avenir. Conscient de disposer d’un potentiel d’augmentation de quota de six à sept kilos, le couple jongle avec l’idée d’améliorer les performances de leurs bêtes. Parions que la vue sur la vallée de la rivière Trois-Pistoles leur portera conseil.

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