Audrey Bélanger et Guillaume Lalumière, la ténacité incarnée

Audrey Bélanger et Guillaume Lalumière, la ténacité incarnée

La ténacité incarnée

Qui eût cru, il y a dix ans, que nos bonnes vieilles terres finiraient par valoir leur pesant d’or et coûter les yeux de la tête ? En une décennie, les faibles taux d’intérêt, la flambée du prix des céréales, le moratoire sur les exploitations agricoles, l’accaparement des terres par de gros investisseurs et les gentlemen-farmers ont fait exploser de 202 % le coût à l’hectare des terres agricoles. De quoi faire s’effondrer les rêves de carrière d’un tas de jeunes qui se sentent le pouce vert. Et pourtant, en Montérégie, là où le prix des lopins a pris le mors aux dents, un couple de valeureux Valériennois a sauté dans l’aventure.

Mais attention ! Pas question pour eux de foncer sans d’abord s’assurer d’avoir une solide formation. Après un cours de gestion et exploitation d’entreprise agricole à Saint-Hyacinthe, Audrey Bélanger a décroché un diplôme en agroéconomie à l’Université Laval, tandis que Guillaume Lalumière complétait son DEP en production porcine.

Pendant près de huit ans, ils ont bossé sans compter et « pilé, pilé, pilé » leur argent, comme ils disent. Lui a acquis de l’expérience dans des maternités porcines. À coups de 60 à 80 heures par semaine, il s’est démarqué en remportant plusieurs prix de performance au sein du réseau de la génétique Hypor en Amérique. Elle est devenue directrice de comptes au financement agricole dans une banque, un poste qu’elle occupe encore aujourd’hui. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils avaient de la détermination à revendre.

En avril 2019, à 25 et 27 ans, après plus de huit années de préparation, Audrey et Guillaume ont enfin pu prendre d’assaut une parcelle d’une centaine d’arpents à Saint-Valérien-de-Milton, petite municipalité formée à la suite de la guerre anglo-américaine de 1812. Ces deux jeunes qui ont grandi sur des fermes se sont portés acquéreurs d’une ferme porcine de 2 800 places à l’engraissement.

Bien sûr, les installations étaient assez désuètes et il fallait, en plus de rénover les bâtiments, investir dans de nouvelles technologies, drainer les terres et se trouver une maison. Qu’importe. Ils avaient le front de bœuf de la jeunesse. Mais surtout, ils pouvaient compter sur un plan d’affaire solide, une bonne formation et un pécule suffisant pour faire une mise de fonds de 25 %.

« Après un peu plus de deux ans, les choses vont mieux que ce que nous avions anticipé. Nous avons été très conservateurs et on se croise les doigts pour que ça continue. Nous avons des projets, peut-être une pouponnière, mais notre priorité, c’est de diminuer le poids de la dette. On veut être capables de dégager suffisamment de liquidité pour se sentir confortables. » Audrey Bélanger

« Quand j’étais prêt à acheter, mon père était trop jeune pour prendre sa retraite. Nous étions plusieurs enfants et il n’aurait pas pu tous nous appuyer financièrement. C’est pour ça que nous avons acheté ailleurs. À un jeune qui voudrait se lancer, je lui dirais de ne pas avoir trop peur, de ramasser son argent, même si ça prend dix ou quinze ans. C’est un milieu compétitif. Il faut toujours voir à s’améliorer et s’entourer de personnes fiables qui vont te donner de bons conseils. »

Dans la tourmente de la pandémie, on ne s’en surprendra pas, les choses sont un peu plus stressantes qu’à l’habitude. Difficile, ces temps-ci, d’obtenir un camion pour l’abattoir. Si bien qu’en ce moment, Audrey et Guillaume dont tous les intrants sont fournis par leur intégrateur se retrouvent avec 200 cochons en attente. D’ici trois semaines, ils seront autour de 1000. Forcés de les faire sortir à 130 kg carcasse au lieu de 110 ou 120, l’espace commence à manquer et les bêtes doivent consommer plus de moulée par kilo de gain. Et comme Audrey et Guillaume sont payés en fonction de la conversion alimentaire, ils s’en trouvent désavantagés. Mais ils n’ont pas envie de se plaindre. Ils savent bien que s’ils avaient été des éleveurs indépendants, ils auraient déjà fait faillite.

Le couple se félicite plutôt d’avoir établi leur entreprise avant de se lancer en famille. Audrey qui pendant l’entrevue donne à boire à Jacob, leur premier né de huit mois, raconte qu’il aurait été très difficile d’entreprendre les deux projets en même temps. « Il y a quelques années, nous étions trop pris par la ferme. Aujourd’hui, nous avons le temps de vivre à plein ce beau moment. » On leur en souhaite tout plein d’autres !

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