Gilles et Guillaume Dumont, le défi lancé à Newton

Gilles et Guillaume Dumont, le défi lancé à Newton

Dieu du ciel ! Est-ce possible ? Jusqu’à maintenant, pour illustrer la théorie du juste-à-temps, les écoles de gestion citaient les Toyota, Apple et McDonalds. Selon cette méthode, les matières premières ne sont acheminées aux ateliers de production qu’une fois la commande confirmée et le produit prêt à être fabriqué. On réduisait ainsi le gaspillage et les coûts de stockage. Or voici qu’aujourd’hui, dans la municipalité de Saint-Philippe (Montérégie), un père et son fils révolutionnent ce principe en l’appliquant à des plantes qui poussent même cul par-dessus tête !

En raison de l’inventivité de Gilles Dumont et des talents de développeur de son fils Guillaume, le système GiGrow qu’ils ont mis au point avec le concours d’une armée d’experts multidisciplinaires peut se targuer d’être le seul jardin rotatif à injection qui fonctionne avec la gravité. Une Grande roue capable de survolter la croissance à la vitesse grand V.

Après plus de deux ans de recherche et de mise au point, Guillaume et son équipe ont réussi l’exploit de servir à leurs plantes la quantité exacte de nutriments, d’eau qu’elles requièrent au moment précis où elles en ont réellement besoin. Du Just in time consacré à la chlorophylle qui allait ouvrir la voie à une révolution (c’est le cas de le dire) dans la façon de cultiver légumes, salades, fines herbes et fleurs.

Fini le principe de l’inondation des légumes avec d’énormes de quantité d’eau et de fertilisants qui contaminent les cours d’eau et dégradent l’environnement, même dans le cas de cultures hydroponiques. Non seulement tout le processus se fait en circuit fermé, mais la méthode imaginée a permis d’obtenir une production de masse avec un apport nutritif aussi précis que si on utilisait des pipettes en laboratoire ! Du goutte-à-goutte sans recirculation des liquides.

L’ingénieur électricien dans la mi-trentaine n’est pas peu fier de proposer sa solution qui requiert à peine 10 à 15 litres d’eau par kilo de laitue contre 200 en culture sur sol. Sans parler du fait qu’au pied carré, cette technologie est 150 fois plus productive qu’une culture en terre noire. Et pour ne rien gâcher, le tout parvient à maturité sans pesticides, fongicides, ni insecticides. Pas étonnant que GiGrow ait été reconnu par l’organisme Solar Impulse européen comme faisant partie des 1000 solutions les plus éco-environnementales pour lutter contre les changements climatiques.

« On n’a pas besoin de tout aseptiser pour obtenir un environnement sain. C’est au moment où les plantes ont la tête en bas que nous injectons les nutriments et l’eau qui se propagent par capillarité. En plus de maximiser la quantité d’oxygène dans les racines, cette façon de faire produit moins d’humidité, ce qui freine la propagation d’insectes ravageurs et de maladies. Nous offrons et contrôlons l’environnement optimal à la plante en utilisant du sol, les bonnes bactéries, les bons champignons dans le sol. On peut même utiliser un terreau. Avec seulement trois employés, une ferme de 200 jardins rotatifs peut produire 750 000 laitues par année. »

Au début, Guillaume a eu fort à faire pour convaincre les spécialistes en agriculture en Europe et ailleurs. Après tout, nourrir des salades la tête à l’envers et les faire pousser en 20 jours sans les tirer par les feuilles allait tout de même un peu à l’encontre des idées reçues et de la théorie de Newton. Mais devant l’évidence, tout ce beau monde a compris que de faire faire de l’exercice aux plantes s’avère très bénéfique.

C’est à Varennes, à 45 km à peine de Saint-Philippe, que se déploiera pour la première fois au Québec le système GiGrow. Cette installation de 24 000 pi² en chantier hébergera 605 jardins rotatifs qui, beau temps, mauvais temps, donneront près de 4 millions de laitues par an. Et cela, pendant les 25 prochaines années, durée de vie du système dont l’ampoule centrale dirigée directement sur les plantes assure la photosynthèse.

En cette époque bouleversée par le changement climatique et le COVID, GiGrow suscite un intérêt grandissant. L’autonomie alimentaire étant devenue un enjeu plus important que jamais, cette technologie qui assure une production locale à basse empreinte carbone débarque au bon moment. Parions que d’ici peu les affaires des Dumont père et fils tourneront à plein régime. Les plantes n’ont qu’à bien se tenir !

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