Les champignons de macadam
Cela fait 450 millions d’années que les champignons colonisent pratiquement tous les milieux terrestres. Pourtant, il y a quatre ans, lorsque Dominique Lynch-Gauthier et Lysiane Roy Maheu ont eu l’idée de se lancer dans la monoculture du pleurote, elles ne disposaient d’aucune recette. Les ormes et les chênes sur lesquels se développent ces fines bouchées charnues sont obstinément restés avares de leur secret. Et comme il n’y avait que quelques endroits dans le monde où se pratiquait cette culture…
Installées dans leur grand entrepôt d’Hochelaga, les deux fondatrices de Blanc de Gris ont souvent pleuré les pleurotes qu’elles devaient jeter à la tonne. Pendant le long processus d’essais et erreurs, elles ont dû, entre autres, se battre contre des champignons parasites qui leur empoisonnaient la vie. Mais une fois maîtrisés le processus de la pasteurisation, la température d’inoculation et le taux d’humidité dans leur substrat de marc de café et de grains de brasseries, leur protocole de production est devenu extrêmement précis.
En ensemençant 240 seaux de 17 litres de substrat, Dominique et Lysiane récoltent aujourd’hui
entre 150 et 200 kg de pleurotes par semaine. Elles viennent de réaménager l’espace à l’intérieur
des 4 600 pi2 de leur entrepôt pour rajouter une serre qui leur permettra d’augmenter leur production à quelque 250 kg par semaine.
Si cela leur permet enfin de faire leurs frais et d’engager un employé et demi, elles conservent toujours un job à temps partiel pour boucler les fins de mois et s’assurer du bien-être de leurs rejetons respectifs.
«Nous sommes très heureuses d’avoir réussi à relever le défi et de ne pas avoir baissé les bras. Nous faisons une cueillette tous les jours et les livrons dès le lendemain à nos clients. On les vend presque exclusivement à des restaurateurs. On en réserve une certaine quantité pour un kiosque qui se spécialise dans les champignons sauvages au marché Jean-Talon. Mais nous ne nous arrêterons pas là.»
Les deux femmes de 37 ans caressent, en effet, de beaux projets. D’ici 2020, Dominique et Lysiane voudraient aller du côté de la transformation de champignons. Question de rejoindre davantage
les particuliers, elles envisagent de louer un espace dans la cuisine d’un de leurs traiteurs pour y produire une gamme de champignons marinés. À moyen terme, elles aimeraient bien recréer leur modèle de champignonnières dans d’autres villes comme Toronto et New York. Possiblement sous forme
de franchises.
À l’âge qu’elles ont, l’avenir leur est grand ouvert. Chapeau (de champignon), Mesdames !