
Le coureur des bois… de velours
Les pionniers ne sont pas que des explorateurs à la conquête des Grandes Plaines. Demandez-le à Mario Giguère. Au Québec, au début des années 1990, le jeune rouquin a été l’un des premiers à se lancer dans l’élevage du cerf rouge. Avec un diplôme de technicien en santé animale décroché à Saint-Félicien, sur le bord de la rivière Ashuapmushuan, Mario n’a eu d’autre choix de se cracher dans les mains, car dans le domaine, tout était à défricher. Pour lui, comme pour tous les autres, ce cervidé des forêts tempérées était terra incognita.
Personne n’y connaissait rien. Pas même de la façon dont il fallait s’y prendre pour répondre aux besoins
de ces beaux grands herbivores aux bois de velours. En bon coureur des bois, c’est au contact des bêtes qu’il apprendra.
À l’époque, comparativement aux autres élevages, il ne pouvait compter sur aucune aide du gouvernement. De plus, aucune mise en marché, aucune stratégie de commercialisation n’avait jamais été réalisée pour ce produit exotique. Aux dires de Mario, c’était uniquement un marché de spéculation dont des gens riches et célèbres se servaient pour retirer de l’impôt. Lui et sa femme avaient décidé qu’ils en vivraient.
Il a acheté ses premiers cerfs en Nouvelle-Zélande. Comme on ne lui avait pas refilé les plus beaux spécimens, Mario Giguère s’est initié à la sélection génétique. Il est fini le temps où il accouplait des femelles d’à peine 165 livres. Aujourd’hui, elles ne font pas moins de 250 livres. Et alors qu’il y a 20 ans, il fallait 30 mois pour que ses faons soient prêts pour l’abattoir, il n’en faut plus que dix ou 11. Ce n’est pas pour rien que ses bêtes panachées font le bonheur de Gibiers Canabec, le premier distributeur de produits de venaison au Québec.
«Ce qui est agréable avec cet animal, c’est qu’il est très rustique. Ça va faire 27 ans que je suis dans ce domaine et je n’ai eu à utiliser des antibiotiques qu’une seule fois. Et c’était pour une blessure. En plus, c’est un élevage qui se fait continuellement à l’extérieur. J’adore ça.»
Tout n’est pas toujours facile pour autant. Mario se souvient du début des années 2000 où la maladie débilitante chronique (MDC) des cervidés s’était propagée dans l’ouest du pays. Toutes les frontières leur ont été fermées et le marché s’est effondré. Heureusement qu’il a la couenne aussi dure que ses cerfs. «Mais la viande tendre !», tient-il à préciser.
Si la chair de cerf a beaucoup gagné en popularité et bien qu’il peut vivre de la vente de 125 de ses bêtes chaque année, l’éleveur souhaiterait que les distributeurs fassent plus d’efforts pour offrir des produits québécois.
D’autant plus, jure-t-il, que la qualité de notre cerf est bien plus grande que celle de Nouvelle-Zélande.