Culture de macadam
Sans raconter de salades, on peut dire que le mouvement de l’agriculture urbaine a pris de l’ampleur à Montréal ces dernières années. Aujourd’hui, pas moins de 15 000 personnes sont impliquées dans les jardins communautaires et 42% de la population montréalaise dit pratiquer l’agriculture urbaine dans un mode d’autosuffisance. Cela dit, Éric Duchemin, le directeur du Laboratoire d’agriculture urbaine (AU/LAB), voit beaucoup plus grand. Au cours des dix prochaines années, il souhaite que se développent des fermes urbaines et des projets de plus grande envergure dans la métropole.
Éric Duchemin veut promouvoir le développement d’un système alimentaire urbain local et augmenter la productivité de l’agriculture urbaine. Grâce au partenariat développé avec le Palais des congrès de Montréal, le Laboratoire d’agriculture urbaine vient d’investir les toits du Palais pour y mener des recherches sur de nouvelles membranes verticales de feutre sur lesquelles sera testée la croissance de deux espèces de fines herbes, de fraises et de laitues. Tout cela dans le but d’élaborer un modèle de développement durable dont l’objectif est d’atteindre des superficies de cultures de 4000 m².
«Les promoteurs immobiliers ont bien compris que l’agriculture urbaine n’est pas qu’une affaire de babacools. Il y a des gens qui sont maintenant prêts à investir des millions de dollars pour faire des fermes. Ils voient que cela fonctionne.»
Même si bien des toits de la ville pourraient servir à la culture de différents produits et que le professeur associé à l’Institut des sciences de l’environnement à l’UQÀM encourage cette pratique, il estime que l’agriculture en milieu urbain se développera surtout au sol. D’autant plus que Montréal possède encore bien des terres disponibles.
Le chercheur sait aussi très bien que l’agriculture urbaine ne représentera toujours qu’un apport marginal en matière de besoins alimentaires des populations. À ses yeux, la promotion de ce type d’agriculture a d’autres buts tout aussi importants. Il s’agit, entre autres, d’amener les gens à changer à la fois leur perception de l’agriculture et de la ville. L’agriculture urbaine serait donc un outil privilégié permettant de repenser les villes longtemps aménagées en fonction de la voiture. La culture sur macadam servirait de vecteur de transition vers une ville plus écologique et plus verte.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que notre homme y croit dur comme fer d’épinard. En plus d’être chercheur, consultant, auteur et éditeur scientifique, animateur du réseau social AgriUrbain, Éric Duchemin est le cofondateur et coordonnateur de l’école d’été sur l’agriculture urbaine qui se tient à Montréal depuis 2009. Justement, cette semaine, il reçoit plus de 200 personnes provenant du Québec, de la France de la Belgique pour cinq jours de formation intensive s’articulant autour d’un apprentissage à la fois théorique et pratique.
Aussi bien dire qu’il sème la relève !