3,1 millions de tonnes.
C’est la quantité de résidus alimentaires produite annuellement au Québec, selon une étude menée par Recyc-Québec publiée en juin 2022.
Et le plus frappant dans tout ça, c’est que 39% de ces résidus alimentaires sont réputés avoir été comestibles avant d’être jetés. Un constat plus que dommage, surtout en ces temps d’inflation.
Heureusement que le Conseil régional de l’environnement (CRE) de Laval et Arrivage, plateforme de gestion d’approvisionnement local sans intermédiaire, font bouger les choses.
Grâce à un financement assuré par le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’alimentation du Québec (MAPAQ), ces organisations ont pu mettre au monde l’Opération Dernière Chance.
Ce projet pilote a pour objectif de contrer le gaspillage alimentaire, en permettant aux agriculteurs de Laval de vendre leur surplus de production à un nombre impressionnant d’établissements dans le Grand Montréal.
Élevage et Cultures a voulu en savoir plus sur cette initiative qui, à long terme, pourrait avoir un impact important sur la souveraineté alimentaire du Québec et sur l’impact environnemental de notre agriculture.
L’Opération Dernière Chance en temps réel
Depuis 2018, la plateforme Arrivage facilite l’approvisionnement local et la création de circuits courts. L’objectif de la plateforme est de mettre directement en relation les producteurs québécois et les détaillants, restaurateurs, et tout autre établissement québécois qui souhaite s’approvisionner en produits d’ici.
Entretemps, le CRE de Laval constata que les agriculteurs de leur région pouvaient profiter d’un coup de main pour écouler leurs surplus de production, qui pour la plupart finiraient au compost.
Les deux organisations ont donc décidé d’unir leurs forces pour diminuer le gaspillage alimentaire, améliorer la sécurité alimentaire et favoriser la consommation d’aliments locaux à Laval.
Comment ça marche exactement?
Le principe derrière l’Opération Dernière Chance est tout simple. Les agriculteurs qui souhaitent participer doivent d’abord s’inscrire sur la plateforme Arrivage. Ils peuvent ensuite y afficher leurs surplus ou leurs fruits et légumes un peu moches qu’ils veulent vendre à un prix d’amis.
Les clients intéressés par ces produits s’inscrivent à leur tour sur la plateforme et peuvent passer des commandes directement auprès des producteurs.
Par la suite, Luqman Sow, le livreur d’Opération Dernière Chance, fait sa tournée hebdomadaire des producteurs de Laval et des clients pour récupérer les légumes et les livrer chez les nombreux clients du Grand Montréal.
Nous avons eu la chance d’accompagner Luqman dans sa tournée pour voir le projet pilote en temps réel. Sur place, on peut constater à quel point les légumes rescapés sont d’une qualité exceptionnelle. C’est là qu’on se rend compte à quel point il aurait été dommage de voir la majorité de ces beaux produits finir au compost.
C’est aussi beau de constater le potentiel énorme de cette initiative à long terme. Les agriculteurs sont heureux de diminuer leurs pertes. Les CPE, restaurants, hôpitaux, CHSLD et autres établissements sont ravis de pouvoir utiliser des aliments ultra locaux et de bonne qualité dans leurs cuisines à un prix moindre. Mission réussie!
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Un projet qui se faisait attendre
Diminuer le gaspillage alimentaire, encourager les circuits courts et l’économie locale, aider les gens et les organismes à mieux nourrir nos communautés… Les enjeux et les problématiques qui ont donné vie à l’Opération Dernière Chance ne datent pas d’hier.
Mais qu’est-ce qui a finalement donné le coup d’envoi au projet ?
« Le CRE de Laval nous a approché, parce qu’il existe relativement beaucoup de gaspillage dans les fermes de Laval » explique Thibault Renouf, co-fondateur et directeur général d’Arrivage. «C’était une opportunité d’offrir notre solution sous un angle nouveau, et de réfléchir à comment adapter la plateforme pour mieux offrir ces surplus.»
Une fois que le CRE de Laval a reçu le financement du MAPAQ, les premières démarches pour le projet pilote ont pu démarrer.
Dès les premières consultations, les initiateurs du projet ont fait un constat clair : les besoins en aliments de qualité à prix abordables sont très réels, et très urgents.
En effet, après avoir envoyé un premier sondage, M. Renouf affirme avoir reçu plus de 200 réponses positives de la part des restaurateurs et détaillants, et plus de 120 du côté des organismes communautaires.
« Ça représente une opportunité de fou pour les circuits courts parce qu’il y a beaucoup de surplus. Les gens et organismes, qu’ils aient un budget significatif ou pas, sont intéressés par ces produits-là », précise M. Renouf.
Un peu plus difficile de susciter l’intérêt des producteurs cependant, qui éprouvaient une certaine réticence face au projet. En effet, certains d’entre eux avaient eu de moins bonnes expériences par le passé en s’impliquant dans des projets semblables.
Mais grâce à la simplicité d’utilisation du logiciel Arrivage et aux relations qui se sont tissées avec le temps entre les agriculteurs et les créateurs du projet, 5 producteurs lavallois ont décidé de faire le saut. Et ils ne regrettent rien !
Quel avenir pour l’Opération Dernière Chance?
Lors du cocktail de clôture de la première saison d’Opération Dernière Chance, le sentiment général d’accomplissement est palpable. Les agriculteurs, les clients, les organisateurs de l’événement et les élus locaux sont visiblement satisfaits de cette première saison d’opération.
Mais malgré une première année qu’on peut considérer comme un franc succès, l’avenir de l’Opération Dernière Chance demeure incertain. Pour faire vivre le projet à plus long terme et à plus grande échelle, il faudra nécessairement un budget plus important, qu’il faut encore aller chercher.
Les instigateurs du projet pilote ont tout de même espoir de continuer à faire vivre leur belle initiative. Après tout, ce projet permet de remettre des dizaines de milliers de dollars dans les poches des agriculteurs, tout en encourageant les circuits courts et une alimentation locale. Un rêve pour notre souveraineté alimentaire.
Si l’Opération Dernière Chance est encore trop jeune pour éliminer les 3,1 millions de tonnes de résidus alimentaires gaspillés par année au Québec, elle a certainement le potentiel de créer une vague de changement dans cette direction.
En espérant voir ce projet devenir pérenne et, qui sait, s’élargir à la grandeur du Québec pour créer des systèmes alimentaires plus durables et résilients.